lundi 29 décembre 2008

Un artisan du développement local nous a quittés.


C’est avec une grande tristesse que j’ai appris il y a quelques jours la disparition de Patrick Badouel, militant de longue date du développement local. Ancien directeur adjoint du CRIDEL aux côtés de Didier Minot et de Gwenaël Doré, fondateur et animateur national, pendant de nombreuses années, des Clubs Partenaires pour Agir au sein d’ETD, Patrick est décédé le 22 décembre dernier à Rennes.

Depuis 2005, il apportait son énergie, ses compétences et sa connaissance des acteurs du développement territorial au service de l’Institut National du Développement Local (INDL), alors en cours de création. Responsable de la fonction « partenariats et animation de réseaux » de l’INDL, il avait axé ses récents travaux sur la notion de « territoires innovants ».

Au-delà de son apport professionnel éminent, qui pour beaucoup était inestimable, ce sont ses profondes qualités humaines que je tiens à saluer : subtil, doté d’un grand sens de l’humour et surtout d’une grande gentillesse.

Patrick m’avait chaleureusement accueilli dans son équipe de septembre 2002 à juin 2003 lors de ma première expérience professionnelle, à ETD, association nationale pour le développement des territoires mandatée par la DATAR et la Caisse des Dépôts. Alors stagiaire dans le cadre de ma 3e année de Sciences Po, j’avais pu bénéficier de ses conseils et de son appui. A l’époque, nous étions chargés de l’animation de la vie associative d’ETD à travers la coordination des Clubs Partenaires pour agir. Ma mission consistait à favoriser la capitalisation des expériences étudiées dans leurs séminaires et leurs travaux. Ces clubs interrégionaux, créés en 1998, ont pour vocation de faciliter l'échange et le transfert de savoir-faire entre acteurs du développement local. Profondément marqué par cette expérience, qui intervenait dans un contexte très particulier (début d’une nouvelle législature, réorientation des missions de la DATAR et de son réseau), j’en avais tiré une réflexion personnelle sur la « mutualisation des pratiques de développement local », titre de ma Maîtrise de géographie soutenue en 2003 sous la direction de François Taulelle à l’Université de Toulouse-Le Mirail. Patrick m’avait fait l’honneur d’être membre du jury pour cette occasion.

Tout ce que je sais d’une démarche d’animation-réseau, c’est lui qui me l’a appris. J’ai donc été profondément influencé par cette « école Badouel » (ou par « la marque CRIDEL » pourrait-on dire. Je reviendrai, ultérieurement, sur ce qu’était le Centre de Rencontres et d’initiatives pour le développement local.) Ses multiples témoignages sur le mouvement du développement local, sa connaissance très fine des acteurs de terrain, mais également sa vision de l’engagement politique ont constitué des apports déterminants pour ma formation. Je perds ainsi un mentor.

Depuis son « implantation » à l’INDL (à Agen), je n’avais eu que trop peu d’occasions d’échanger avec lui, à mon grand regret. Nous avions tout de même réussi à nous revoir tout récemment, le 29 septembre dernier, autour d’un bon repas qui fut encore l’occasion de débattre de l’actualité politique. Notre conversation à bâtons rompus n’avait pas laissé transparaître d’incertitudes pour l’avenir. Nous avions même lancé des pistes pour des projets futurs. Comme toujours, il était résolument tourné vers l’action.

samedi 20 décembre 2008

De l'explosion urbaine au bidonville global (ou la réalité d'une favela aux portes de Madrid)




Et si Mike Davis avait raison? Et si l'avènement du bidonville global n'était pas qu'un mauvais cauchemard, mais tout simplement la cruelle réalité? Un millard de personnes survivent dans les bidonvilles du monde, lieux de reproduction de la misère à laquelle les gouvernements n'apportent aucune réponse adaptée.


Pour Mike Davis, sociologue-urbaniste et chercheur transdisciplinaire, nous rentrons dans "Le pire des mondes possibles" en passant de "l'explosition urbaine au bidonville global". Bien loin des villes de lumière imaginées par les architectes-urbanistes "starisés", le monde urbain du XXIe siècle pourrait être dominé par ces "mégabidonvilles" tentaculaires, où domine le travail informel, "musée vivant de l'exploitation humaine", pour reprendre les termes du chercheur américain. La crise planétaire lui donnera-elle raison?


Car, la "favelisation", ce processus de formation et de propagation d'habitat spontané informel et précaire, ne concerne plus seulement les pays dits "du sud", mais aussi l'Europe, y compris ses aires métropolitaines les plus développées.
En Espagne, à moins de 13 km du centre de Madrid, se trouve Cañada Real Galiana : le plus grand bidonville d’Europe occidentale. Situé le long de l’autoroute M50 (à la sortie sud de la capitale), il concentre environ 40 000 personnes principalement d'origine marocaine, qui y vivent dans l'insalubrité.


En mai 2008, France 24 a réalisé un reportage saisissant sur Cañada Real Galiana, véritable ville dans la ville, bâtie sur des terrains illégaux. Des Espagnols, arrivés il y a près de 40 ans lors de l’ouverture du régime franquiste à l’économie de marché, y habitent aussi.

Ces derniers, originaires d'Andalousie et d'Estrémadure, occupent les quartiers les mieux lotis du bidonville, comme le secteur V, qui s'est considérablement étendu. Ici, malgré la chaussée cabossée et l'absence de services publics, les maisons sont tout de même en dur. Les habitants sont même considérés "comme des résidents des communes voisines et paient la taxe foncière", précise le reportage de France 24. "En octobre 2007, sans préavis, la ville de Madrid essayé de déloger plusieurs familles de ce secteur pour démolir une partie des habitations illégales. Les forces de l’ordre se sont heurtées aux habitants, déclenchant une véritable émeute qui a fait plusieurs blessés du côté des policiers. Les autorités ont alors suspendu les démolitions. Pourtant, fin avril, des bulldozers sont revenus détruire plusieurs maisons, une nouvelle fois sans préavis."

A l'inverse, le secteur de Galinero, le plus défavorisé, véritable favela et haut lieu du trafic de drogue, ne fait l'objet d'aucun plan d'évacuation. Les conditions sanitaires y sont déplorables. Malgré les patrouilles médicalisées de la Communauté de Madrid, l'accès aux soins reste extrêmement difficile : 2 à 3 km à pied le long de la route du deal pour joindre le bus, puis le métro, soit 1h30 au total pour rejoindre la première clinique.

"Au centre du bidonville, Valdemingomez est un quartier miné par la violence. Le trafic de drogue y est en pleine croissance depuis deux ans. Le parking de l’église ne désemplit pas de junkies amenés en "kundas", les taxis de la drogue. Héroïne, crack, cocaïne : les dealers au volant vont chercher leurs clients dans le centre de Madrid. Dans ce quartier, où les toxicomanes sont partout, le manque d'hygiène est total. Depuis que les différents points de vente de drogue du centre-ville sont surveillés par la police, et depuis qu'un net ralentissement économique touche l'Espagne, le bidonville madrilène est en constante extension. La Région de Madrid, comme les mairies concernées, paraissent dépassées par la situation. Les quelques ordres de démolitions prononcés ces dernières semaines semblent surtout avoir pour but de dissuader de nouveaux arrivants. En vain."


Voir le reportage de France 24 "Cañada Real Galiana, le bidonville de la honte", jeudi 15 mai 2008

mercredi 3 décembre 2008

Urbaniste : le métier existe, la profession reste à organiser

La Société Française des Urbanistes (SFU), en collaboration avec l’Université Paris Sorbonne – Paris IV et l’association Urba+ (réseau de l’Institut d’Urbanisme de Paris), réunira les 1ères Assises de l’insertion professionnelle des jeunes urbanistes le 11 décembre prochain à Paris (108, boulevard Malesherbes, 13h30-17h30).

Ces assises, placées sous le haut parrainage de Georges Molinié, Président de l’Université Paris Sorbonne-Paris IV, se dérouleront en présence de Bernard Saint-Girons, Délégué interministériel à l’orientation.
A cette occasion seront présentés les résultats d'une enquête sur l'insertion professionnelle de 228 diplômés issus des instituts d'urbanisme et formations supérieures en aménagement, conduite par la SFU et Urba+ dans le but d'établir, à l'échelle nationale, une veille stratégique sur les métiers et les qualifications de l'urbanisme. Cet état des lieux sera suivi d'un débat entre formateurs, urbanistes praticiens et étudiants. L'enquête, dont la valeur scientifique est toute relative, démontre un taux d'emploi dans le secteur de l'urbanisme proche des 85% pour un taux d'emploi global avoisinant les 90%. Le caractère professionnalisant des cursus est bien évidement déterminant dans cette réussite. Pour autant, ne nous y trompons pas : derrière ces chiffres, nous avons à faire à de fortes disparités de situations.
L'enjeu de ces assises est de donner un coup de projecteur à une profession comprenant plusieurs milliers de membres mais qui reste largement à organiser. Reconnue par les instances ministérielles de l'enseignement supérieur, la profession d'urbaniste ne dispose en revanche d'aucune visibilité dans les systèmes de nomenclatures du Ministère de l'Emploi. En effet, si les formations supérieures en aménagement et urbanisme ainsi que les instituts d'urbanisme "Article 33" sont bien rattachés au système universitaire et délivrent des diplômes d'Etat (Master, Doctorat), il n'existe par exemple à ce jour aucun code NAF (INSEE) réservé au métier d'urbaniste. Autrement dit, un diplômé en urbanisme à la recherche d'un emploi n'est pas véritablement en mesure d'être orienté dans ses démarches par le Service Public de l'Emploi, car ne rentrant pas dans les "cases". Certains de mes collègues en ont fait d'ailleurs l'expérience: l'ANPE ne leur a été d'aucune utilité dans leur recherche.
Et au niveau européen? Certes, le conseil européen des urbanistes a mis en place une grille des compétences, à l'instar du référentiel de l'Office Professionnel de Qualification des Urbanistes. Mais celle-ci reste très générale, indicative et n'a aucun fondement opérationnel. Nul ne sait vraiment si les instances européennes, qui sont positionnées sur les problématiques urbaines (voir la récente charte de Leipzig), vont s'emparer du sujet par le biais d'une directive bruxelloise.
Bien loin des revendications corporatistes, il s'agit en fait de débattre des modalités d'organisation d'une profession ouverte dont les ressortissants sont mobiles, très bien formés, exerçant leur métier dans une grande diversité de structures, souvent en bonne synergie avec le monde de la recherche et de l'enseignement supérieur.
En charge de l'insertion professionnelle au sein de la Société Française des Urbanistes, Dominique Musslin a le mérite de poser les termes du débat avec clarté : selon lui, il convient d'achever la structuration du métier d’urbaniste. "Celui-ci est exercé par des professionnels dont les statuts sont extrêmement diversifiés, et qui n’ont d’autre point commun que leur qualification. C’était un premier pas. Mais il faut maintenant reprendre la marche en avant et donner un statut au métier. Peut-on considérer comme normal qu’une profession forte de plusieurs milliers de membres n’ait:
· Aucun outil de veille stratégique sur le métier des jeunes et plus globalement de tous les urbanistes,
· Aucune convention collective spécifique,
· Aucun dispositif de formation permanente partagé.
Certes, une ou deux familles d’urbanistes ont pris ce chemin, les PACT ARIM, par exemple. Mais tous les autres, non.
Faut-il dès lors engager les uns et les autres sur des voies parallèles. Ne faut-il pas accélérer le mouvement ? Est-ce la crise qui va nous amener à entreprendre ce que nous rechignons à faire ? "

mercredi 12 novembre 2008

Quelle gouvernance territoriale pour le système de déplacements métropolitain ?

La Conférence métropolitaine, réunie ce 5 novembre 2008 à la Mairie du XXe arrondissement de Paris, a adopté les statuts et les principes instituant le syndicat mixte d'études « Paris Métropole » (SMEP), dont le lancement avait été annoncé lors des assises de la métropole le 25 juin dernier. L'adhésion des collectivités comprises dans le périmètre du syndicat, se fera sur la base du volontariat, par mode de délibération des conseils municipaux, communautaires et généraux (mais aussi du conseil régional qui compte bien peser dans la démarche). La réflexion concernant la structuration du territoire de la zone dense de l'Île-de-France prend donc une nouvelle dimension politique. En effet, parce que l'adhésion à Paris Métropole implique nécessairement un débat dans chacune des communes et au sein des assemblées délibérantes, le processus de coopération institutionnelle bénéficiera d'une pleine validité politique (alors que jusqu'à maintenant le mode de participation était davantage informel).

« Le lancement de Paris Métropole est le fruit d'un consensus dynamique et pluraliste trouvé au terme d'un travail intense qui fut mené majoritairement par des maires de la première couronne francilienne, aux côtés desquels ont œuvré la Région et les départements, et orchestré notamment par Pierre Mansat, adjoint au maire de Paris en charge des relations avec les collectivités territoriales d'Ile-de-France (…) », veut rappeler Philippe Laurent, Maire de Sceaux et membre du Secrétariat de la Conférence métropolitaine. Ainsi Paris-Métropole sera un interlocuteur crédible du gouvernement et notamment de son Secrétaire d'Etat chargé du développement de la Région Capitale, Christian Blanc.

Trois objectifs principaux sont assignés au syndicat : « 1° La définition des partenariats possibles pour des projets de dimension métropolitaine, et pour cela l'identification des méthodes, études ou hypothèses de travail qui pourront être mises à disposition des collectivités territoriales et des EPCI pour faciliter la réalisation concrète de projets qui auront un effet durable sur le développement de l'agglomération ; 2° Une réflexion et des propositions sur la solidarité financière et les diverses hypothèses de péréquation d'une part et de mutualisation d'autre part au sein de la métropole et à l'échelle régionale ; 3° Une réflexion et des propositions sur l'évolution de la gouvernance de la métropole ». Des débats de la séance du 5 novembre ressort tout de même une priorité, celle du deuxième objectif : Paris-Métropole aura avant tout vocation à étudier la mise en œuvre d'une logique financière de mutualisation des ressources permettant de répondre efficacement, à l'échelle d'un territoire urbain dense particulièrement marqué par de fortes inégalités, aux attentes de ses habitants en matière de transport, de logement et d’emploi.

Si l'objet de Paris Métropole est strictement limité aux études qu'il conviendra de mener, avec l'appui des syndicats techniques existants, dans les grands domaines traditionnels de la gestion publique que sont l'aménagement, l'environnement, les transports, la formation ou la culture, ces études pourront déboucher sur des « projets d'intérêt métropolitain », à l'instar de ce qui était d'ailleurs préconisé par le Rapport Dallier (certes plus radical dans ses propositions).

En matière de transports et de mobilité, les enjeux métropolitains sont particulièrement importants. Rappelons qu’en Île-de-France, 70% des déplacements sont internes à la banlieue (Source EGT DREIF/INSEE, 2003). Dans le Val-de-Marne, 80% des déplacements de banlieue à banlieue s’effectuent en voiture. Et quand bien même ils s'effectuent en transports en commun, la structure radiale du réseau implique le plus souvent un transit par Paris intra muros. Cette situation pèse lourdement sur les réseaux. Aujourd’hui, l’idée de construire un métro en rocade, Arc Express, autour de Paris fait donc consensus et le lancement des études a ainsi été acté par la Région et l’Etat dans le cadre du CPER 2007-2013. Assurant un nouveau maillage en reliant les lignes radiales de RER et de métro existantes, Arc Express faciliterait également l’accès à de nombreux équipements (hôpitaux, universités…) et pôles d’activité et d’emploi (grands centres commerciaux). Ce système de transport pourrait contribuer à « structurer » la zone dense de l’agglomération parisienne sur le plan urbanistique. Mais sur ce dossier phare, la Région entend conserver la main, comme son Président, Jean-Paul Huchon l’a bien précisé aux élus de la Conférence métropolitaine présents : « Sur Arc Express, je mets 30 millions d’euros à la disposition du STIF pour mener les études, alors qu’on ne refasse pas deux fois le même travail, qu’on ne réinvente pas la poudre, parce que je ne suis pas certain que le SMEP fasse mieux avec moins d’argent ! En revanche, pour les déplacements de proximité, les vélos, les circulations douces et les voitures électriques, d’accord, il y a des complémentarités possibles à trouver ». La Région gardera son leadership pour la programmation des modes lourds, les collectivités infrarégionales de la métropole étant seulement invitées à définir des projets s’inscrivant dans le cadre de la stratégie régionale d’aménagement du territoire ou en complémentarité pour des raisons de proximité. Et sur ce point, Jean-Paul Planchou, maire de Chelles et Conseiller régional d’Île-de-France a été clair : « La région devra être un membre moteur de Paris Métropole, tout simplement parce que la Région est promotrice du Schéma directeur, le SDRIF, qu’elle est l’auteur du Schéma régional de développement économique, et qu’elle est responsable du schéma régional de formation mais aussi des déplacements (ndlr : le PDUIF) (…) Loin de nous, au niveau régional, l’idée d’imposer quoi que ce soit, mais nous ne voulons pas qu’une structure, au sein du périmètre francilien, puisse s’imposer à ses cohérences ».

Le message de la Région est, à cet égard, très bien passé dans la mesure où les statuts de Paris Métropole font une mention explicite au rapport de la commission Planchou « Scénarii pour la métropole : Paris - Ile-de-France demain ». Le syndicat mixte devra ainsi s’appuyer « sur les travaux existants et à venir concernant le territoire métropolitain, notamment ceux engagés autour de la préparation du schéma directeur (SDRIF), de la consultation « le grand pari de l'agglomération parisienne », de la commission ad hoc du conseil régional « Scénarii pour la métropole : Paris - Ile-de-France demain » et en tenant compte des contributions des collectivités territoriales, EPCI, des chambres consulaires, ainsi que des réflexions en cours au niveau de l'Etat et du Parlement », précisent les statuts du SMEP.

Pour rappel, la commission Planchou a proposé, en matière de transports, de « faire évoluer le STIF vers un Syndicat des Déplacements d’Ile de France (SDIF), en étendant les compétences du STIF à l’ensemble des champs de la mobilité durable, c'est-à-dire en intégrant : l’exploitation du réseau de voies express de l’Île de France (800 km) ; la capacité de réservation d’emprises pour des transports collectifs, y compris taxis, l’information multimodale pour l’ensemble des réseaux de transport (transports en commun et voies rapides) ; la perception des droits d’usages (partie des amendes de voirie, éventuels dispositifs de péages urbains) ; l’organisation de la logistique urbaine. Destinée à optimiser la cohérence des différents modes de déplacements et à faciliter le partage de la voirie d’intérêt régional, cette évolution pourrait ainsi accompagner de façon cohérente l’émergence des Autorités Organisatrices de Proximité (AOP), notamment au bénéfice d’intercommunalités renforcées, auxquelles conformément au décret n°2005-664 du 10 juin 2005 le STIF peut déléguer certaines attributions en matière d’exploitation des transports collectifs locaux. »

Dans ce contexte, la structuration d’une AOP du cœur de l’agglomération est-elle possible ? Aujourd’hui, les rares AOP en vigueur ne disposent pas toujours d’un périmètre cohérent, notamment en raison du déploiement territorial de l’intercommunalité en Région Île-de-France, qui n’est pas satisfaisant. De fait, les démarches de plans locaux des déplacements (PLD) peinent souvent à trouver une consistance. L’élaboration de PLD structurants nécessiterait donc de créer systématiquement des structures supra-communautaires de type syndicale, ce qui ne fait qu’ajouter une couche de plus au « mille-feuille ». Il est donc pour le moins paradoxal que la structuration de bassins locaux de déplacements, censée pallier les carences et la lourdeur du système de transports francilien (qui résultent par ailleurs largement du maintien de droits de ligne patrimoniaux octroyés par l’Etat aux opérateurs historiques), se traduise par une complexification institutionnelle. Sur ce plan, il y a fort à parier que le comité Balladur (qui associe le nouveau Préfet de la Région Île-de-France, Daniel Canépa) fasse un certain nombre de propositions visant à rationaliser la carte de l’intercommunalité dans la région. Et si les nouveaux services de mobilité pouvaient justement remédier à ce déficit d’intercommunalité ?

L'extension de Vélib que l'on croît (à tort) anecdotique est en réalité l'expression parfaite de la difficulté de réaliser un maillage plus efficace des modes de déplacements à l'échelle de la zone dense. La Ville de Paris ne s'y est pas trompée en travaillant sur son nouveau projet Autolib' dont la mise en place devrait être déployée à l'échelle de près de 80 communes de la petites couronne. Une Délégation de Service Public est en cours de réflexion tout comme la constitution d'un Syndicat mixte ouvert associant les communes, les départements et la Région, chargée de réviser le Plan de Déplacements Urbain d'Île-de-France (PDUIF). A cet égard, il est indispensable que ces nouveaux services de mobilité s'insèrent dans la politique globale de déplacements urbains définie par la Région mais aussi dans les politiques locales de l'urbanisme, ne serait-ce que pour définir des orientations cohérentes en matière de stationnement et de voirie. La traduction effective de ces projets est donc conditionnée à la coordination des compétences voirie, stationnement, transports ou encore circulation, prérogatives qui sont disséminées entre les différents acteurs (municipalités, conseils généraux, STIF, autorités organisatrices de proximité intercommunales, Préfecture de Police).

dimanche 9 novembre 2008

Obama’s Plan to Stimulate Urban Prosperity (Urban policy, selon Barack Obama)



Derrière l’image du premier président américain « noir », il y a avant tout un homme politique, quelqu’un qui a fait de la politique. Sans minimiser la dimension hautement symbolique de cette élection, sans non plus occulter le politics, intéressons nous à la policy ou aux policies, c’est-à-dire à la consistance des politiques publiques que souhaite mettre en œuvre le Président démocrate élu.




Quelles sont donc les propositions que l’on peut trouver dans son programme de campagne ? Le chapitre Urban policy suscite bien évidemment tout notre intérêt, dans la mesure où les Etats-Unis (avec la France) ont toujours constitué un « laboratoire » des politiques publiques de la ville* pour les urbanistes et pour les policymakers en général.

Son « Plan to Stimulate Urban Prosperity » s’appuie sur 3 axes :
1° Renforcer l'engagement fédéral en direction des villes américaines : sera créé à la Maison-Blanche un Bureau de la politique urbaine destiné à mettre au point une stratégie pour les métropoles américaines et en charge de l’affectation et de la dépense effective des fonds fédéraux ciblés vers les zones urbaines.
2° Stimuler la prospérité économique dans les zones urbaines par le soutien à la création d'emplois, le renforcement de la formation de la main d'œuvre, et une plus grande accessibilité aux capitaux pour les entreprises mal « desservies ».
3° Rendre le logement plus abordable en veillant à ce que la classe moyenne puisse obtenir l'aide financière dont elle a besoin pour acheter ou conserver son logement, mais aussi en augmentant l'offre de logements abordables.

Si l’on examine plus particulièrement les mesures ayant trait au développement territorial, on retrouve trois politiques publiques sur lesquelles le candidat Obama s’engage : le développement économique, l’urbanisme et la politique de la ville.

En matière de développement économique, le plan Obama est ambitieux : il vise à stimuler la prospérité économique des régions métropolitaines, notamment par le soutien aux clusters et pôles régionaux d’innovation. Barack Obama and Joe Biden annoncent la création d’un programme fédéral de soutien aux clusters innovants et aux centres régionaux de l’innovation innovation orientés dans les nouvelles industries. Ce programme sera doté de 200 millions de dollars, affectés à la planification et à l’investissement public régional (universités, infrastructures de transport), afin de renforcer à long terme la croissance régionale. Par ailleurs, le Président élu devrait créer un réseau national public-privé des pépinières d'entreprises afin de développer l'esprit d'entreprise et stimuler la croissance de l'emploi. La nouvelle administration compte « investir 250 millions de dollars par an, afin d'accroître le nombre et la taille des pépinières d'entreprises dans les toutes les communautés urbaines du pays ».

Dans le champ de l’aménagement, des transports et de l’urbanisme, la mesure « Strengten Livability Of Cities » (que l’on pourrait traduire par « renforcer l’urbanité des villes »), s’attache à coordonner les politiques de planification avec celles de l’environnement, de la santé publique et de l’accès à l’emploi. Barack Obama a notamment été l’instigateur du Healthy Places Act, qui permet d’aider les autorités locales à mieux évaluer l'impact sur la santé de leurs politiques et de leurs projets comme les aménagements autoroutiers ou les centres commerciaux. La réaffectation des crédits d’aide aux transports alternatifs à la voiture, l’amélioration du bilan énergétique du secteur du bâtiment et la décontamination des sites industriels sont également inscrits à l’agenda.

En matière de mobilité, le plan Obama est particulièrement volontariste : « le renforcement des infrastructures et de nos systèmes de transport, y compris les routes et les ponts, sera une priorité absolue », peut-on lire dans le programme. La création d’une banque nationale de revitalisation des infrastructures devrait étendre l’effort fédéral d’investissement public en direction des transports. Barack Obama parie sur la génération d’externalités positives en faveur de l’emploi : « ces projets permettront de créer jusqu'à deux millions de nouveaux emplois directs et indirects par année et de stimuler environ 35 milliards de dollars par an dans de nouvelles activités économiques ».

Le volet accessibilité à l’emploi est très intéressant, car articulé avec la dimension de l’urbanisme et des politiques de déplacements. Barack Obama et Joe Biden s’engagent à intensifier par deux le programme fédéral JARC (Jobs Access and Reverse Commute) en veillant à ce que les fonds fédéraux additionnels de développement du transport public soient fléchés en priorité vers les collectivités et quartiers qui en ont le plus besoin et en s’assurant que les démarches de planification urbaine prennent bien en compte cet aspect de la politique de transport. « L'agenda Obama-Biden de la politique urbaine permettra également de faciliter la création de nouveaux emplois dans les zones économiques peu attractives, de sorte que leurs résidents, aux plus faibles revenus, puissent trouver un emploi au sein de leurs communautés d'origine », à l’instar du programme de zones franches économiques mis en place par le Sénat de l’Etat de l’Illinois en 2003 où Barack Obama siégeât de 1996 à 2004.

Dans le domaine de la politique de la ville, l’accent est mis sur la réactivation du Fonds de développement communautaire Block Grant, programme intégrant à la fois le logement social et l’emploi dans les zones déshéritées et qui avait été remis en cause par l'administration Bush. Rien de très étonnant lorsque l’on connaît le parcours de Barack Obama, qui a œuvré pendant plusieurs années (à partir de 1985) comme « community organizer » dans un quartier sensible de Chicago.




Cette référence aux community développement corporations (CDC) consiste à mettre davantage l’accent sur le territoire plutôt qu’à l’identité ethnique. Rappelons que les CDC, nées d’une volonté de lutter contre l’inertie des collectivités face à la dégradation des quartiers, ont acquis un pouvoir de « planning » (voir à ce sujet, M. L. Sullivan, More than Housing : how CDC Go about Changing Lives and Neighborhood, New York, Community Development Research Center, 1993).

Dans une logique d’Empowerment, ces corporations de résidents ont reçu mandat de restaurer le lien social par la co-construction de politiques de gestion territoriale (mais aussi de sécurité urbaine) avec les autorités publiques. Même si comparaison n’est pas raison, les études montrent que ces politiques communautaires (community policing) ont souvent obtenu de biens meilleurs résultats sur le terrain que notre "fameuse" politique de la ville à la française (la lecture de l’ouvrage Faire Société de Jacques Donzelot en est une démonstration implacable).


Développement économique, emploi, transports, logement, urbanisme, écologie urbaine mais aussi éducation et sécurité, l’approche multidimensionnelle des politiques urbaines qui est celle de la nouvelle administration Obama est séduisante. Tout comme sa proposition de coordonner tous les “federal urban programs” sous l’autorité d’un Directeur de la politique urbaine (The Director of Urban Policy) qui sera placé directement sous l’autorité du Président.






Voir également le nouveau site officiel du Président élu pour la période de transition (jusqu’au 20 janvier), http://change.gov/, mis en ligne dès le lendemain de l’élection.
En ligne depuis le 20 janvier 2009 :




dimanche 2 novembre 2008

Transport de marchandises, logistique : pourquoi une intervention des collectivités locales est légitime (2)

Je publie ici un texte de Réginald Babin, éminent expert des questions de transports et de logistique. Directeur technique du Groupement des Autorités Responsables de Transport (GART), il s'exprime ici à titre personnel. Nourrie de nos multiples échanges et réflexions communes, cette contribution constitue un argumentaire solide pour le fondement d'une intervention légitime des collectivités territoriales dans les domaines du transport de marchandises et de la logistique.


Le contexte :

Le secteur de la logistique génère un impact fort sur les mobilités, sur l’urbanisme, l’emploi et l’aménagement des territoires. Le(s) transport(s) de marchandises ont en effet en commun avec le(s) transport(s) de personnes l’usage des mêmes infrastructures en général et le développement économique des collectivités territoriales. Ces questions revêtent une acuité particulière non seulement pour les trafics locaux et domestiques, pour les transits intra-européens en expansion ; mais surtout pour les flux croissant d’une économie globalisée dont les principaux lieux de production sont situés hors de l’Europe, faisant jouer aux grands ports et à leur hinterland un rôle de plus en plus prépondérant. Les infrastructures terrestres en liaison avec ces ports, et leur exploitation optimisée, constituent autant d’enjeux majeurs pour les territoires dans le cadre du développement durable mais aussi des contraintes budgétaires de la collectivité. La consommation des populations majoritairement urbaines dépend de façon essentielle de ces logistiques aux flux mondialisés.




Institutionnellement, structurellement, réglementairement, les transports de marchandises routiers sont distingués des transports de personnes en France. Aussi bien en ce qui concerne les transports publics de voyageurs ou de marchandises que dans le domaine des transports privés ou pour compte propre. Dans les domaines ferroviaires, ou fluvial, ou encore aérien, la chose est plus complexe. Dans le domaine ferroviaire en particulier les deux activités n’étaient pas séparées jusqu’à une époque récente, du fait du caractère monopolistique de l’exploitant. A ce titre, compte tenu des évolutions en cours, la question du fret ferroviaire doit être traitée spécifiquement.
Globalement, le secteur des transports collectifs de personnes est un secteur très réglementé, dans lequel les activités occasionnelles répondant aux caractéristiques commerciales d’un marché libre occupent une place certes importante, mais relativement marginale. Les Autorités Organisatrices de Transport (AOT) et l’Etat interviennent majoritairement à différents titres dans l’organisation des services réguliers de transport public de personnes et des activités de taxiteur ou de grande et petite remise. Hormis les conditions d’accès à la profession et les réglementations applicables à la circulation des véhicules, fixées par l’Etat, dans le secteur des transports de marchandises il en va autrement : ce secteur économique, lui même essentiel à l’économie globale, est librement soumis aux conditions du marché et les autorités organisatrices n’interviennent pas. Ainsi, historiquement, du fait de leur environnement économique et institutionnel propre, les structures professionnelles correspondant aux transports de personnes et aux transports de marchandises sont restées cloisonnées dans leurs différents domaines et il n’y a aucune appréhension globale des problématiques communes de transport et de mobilité. Pourtant c’est bien l’optimisation des infrastructures de transport qui rend nécessaire cette appréhension, car les transports de personnes et de marchandises terrestres sont effectués majoritairement sur les mêmes infrastructures et en conditionnent donc les capacités, que ce soit en zone urbanisée ou sur les grands axes qui relient les centres urbains.
Cependant, il existe de nombreuses zones d’interférence entre les deux secteurs d’activités, qui justifient que les AOT se préoccupent davantage des paramètres qui président à l’organisation des transports de marchandises, et pas seulement en zone urbaine ; ce qui était surtout le cas jusqu’à présent. Même si « le transport de marchandises en ville » (telle que la problématique est abordée par les fonctionnaires du MEEDDAT et du CERTU) mérite une particulière attention (dans la mesure ou elle peut impacter la performance des TCSP ou des sites propres bus par exemple), il ne peut être déconnecté des plateformes de dégroupage et de logistique située en périphéries ou en zones rurales sur des axes importants, elles-mêmes reliées à des flux logistiques complexes dont les ports constituent des hubs aussi essentiels que peu nombreux. Cet aspect est notamment de la responsabilité directe des AOT urbaines dans le volet concerné des Plans de Déplacements Urbains (PDU).
Première zone d’interférence, les transports de marchandises, principalement routiers, participent intrinsèquement à l’activité économique des collectivités territoriales. Ils sont directement liés à l’implantation des entreprises, qui sont elles mêmes un facteur d’aménagement des territoires. Et cela même s’il faut faire le constat navrant que peu de contacts existent entre les services chargés du développement économique et ceux en charge des transports collectifs dans les collectivités*. Deuxième zone d’interférence, les entreprises, industries ou zones commerciales, en fonction de leur localisation constituent à leur tour des facteurs générateurs de flux importants : soit pour les emplois qu’elles suscitent (problématiques d’accès à ces emplois qui ne sont pas nécessairement desservis par des TC), soit pour les flux de consommateurs qu’elles attirent. Par ailleurs, leur implantation est souvent génératrice d’habitat suburbain.
Dans cet aménagement des territoires, la plupart du temps de nombreux acteurs locaux ou internationaux interviennent à différents niveaux sans aucune concertation d’ensemble. Les grandes zones commerciales qui supposent des organisations logistiques extrêmement complexes jouent un rôle particulièrement important dans l’étalement urbain, stigmatisé par ailleurs. Rappelons que les flux de marchandises s’inscrivent de plus en plus dans le cadre d’une logistique mondialisée, dans une relation étroite avec les grands ports européens (peu nombreux à être les principaux générateurs de trafic et dont l’hinterland est à considérer), générant des positionnements stratégiques d’entreprises de plus en plus en zone périurbaines, voire au carrefour des grands axes autoroutiers en pleine campagne. Il en va de l’attractivité et de la richesse des collectivités, du bien être des populations. Il convient néanmoins de ne pas négliger également l’impact des flux locaux (inférieurs à 250 km), organisés notamment autour des BTP ou de la production agricole, ou de transit. Il convient aussi de différencier les activités de transport public de celles qui relève du compte propre, bien que ces domaines soient de plus en plus imbriqués. Mais c’est sans doute le rôle considérable des plateformes de dégroupage qui permettent l’approvisionnement des agglomérations, avec l’opération terminale qui constitue « la livraison en ville » évoquée plus haut, qui constitue un des gisement de progrès majeurs. Ainsi, est-ce aux constructeurs de plateformes logistiques, appartenant à des groupes étrangers et constituant un investissement très rentable, de déterminer l’aménagement du territoire ? Aux conséquences desquelles les AOT et les collectivités devront trouver des solutions coûteuses pour améliorer progressivement la desserte.
Succinctement évoqué, ce schéma montre bien que l’efficacité des transports collectifs, le développement de leur usage, sont directement liés à l’implantation des zones d’activité industrielle et commerciale et à la maîtrise des flux; cette logistique, dont la finalité est essentiellement la consommation de biens ou de matériaux nécessaires aux BTP, est conditionnée par l’environnement économique global qui préside à l’acheminement des marchandises. Notamment le coût d’usage des infrastructures. Ainsi l’impact des formes modernes de consommations doit être considéré dans toutes ses conséquences sur les infrastructures et les territoires.
Dans ce contexte, on voit bien comment les AOT ont intérêt à intervenir dans le modèle logistique global qui prévaut aujourd’hui pour rationaliser l’usage des infrastructures et favoriser le recours aux transports collectifs, dans un cadre correspondant aux nouvelles logiques du développement durable. Plutôt que de devoir traiter à postériori et de manière toujours plus coûteuse les conséquences de situations non maîtrisées en amont, il conviendrait de s’attaquer aux causes et à la génération de flux dont quelques principes simples permettraient de limiter l’anarchie. Parmi ces pôles générateurs de trafic, les ports méritent une attention toute particulière. Les agglomérations, aujourd'hui engagées dans leur gestion sont donc amenées à devenir des acteurs incontournables de la gestion des flux de marchandises. Elles ont donc toute légitimité à intervenir sur l'organisation de la chaîne logistique, et notamment dans tous les modes de transport de marchandises qu’il est indispensable de combiner plus efficacement.
Il est clair que dans ce domaine, le fret ferroviaire pourrait jouer un rôle bien plus important que celui qu’il tient aujourd’hui. Cela à la demande même des chargeurs et opérateurs de logistiques, qui déplorent le manque d’offre adaptée, percevant les enjeux économiques globaux dont ils sont des acteurs essentiels (le domaine ferroviaire étant lui-même lié au développement des techniques de transport combiné, largement sous utilisées en France).
Ainsi, la question des transports de marchandises, pour les collectivités, ne peut être réduite à la seule question des livraisons en ville. Elle suppose que l’on s’intéresse aussi bien au développement de modes organisationnels plus rationnels et moins polluants (telle la logistique développée par Monoprix), au développement des Short Lines, aux potentialités des transports combinés sous utilisés, à la tarification d’usage des infrastructures, à l’harmonisation des règles européennes propres aux transports routiers, etc.


A ce titre, il est tout à fait nécessaire de créer des liens et d’établir la concertation entre les différents acteurs représentatifs du monde des transports de marchandises et de la logistique et les autorités locales en charge des politiques de déplacements.

Réginald Babin, 2008


*
C'est en partant de ce constat que le GART a produit une réflexion sur les interfaces à établir entre les transports et l'aménagement économique :
CREPIN Olivier, DAGNOGO Claire, Urbanisme commercial et politiques de déplacements. Jalons pour un aménagement économique durable, Collection « Mobilité durable » du GART, février 2008.


Transport de marchandises, logistique : pourquoi une intervention des collectivités locales est légitime (1)

Au cours de l'été 2007, l'annonce de la fermeture par la SNCF de 262 gares de triage au wagon isolé faisait quelque peu "désordre". Cette décision, prise sans aucune concertation avec les collectivités territoriales, intervenait au moment de la préparation du Grenelle de l’Environnement.
Les conséquences? Toujours plus de camions sur nos routes. Rappelons que le plan désastreux de redressement des comptes de de Fret SNCF (2004-2006) s'était traduit dès la première année par le démantèlement de 186 km de voies ferrées. En effet, l'objectif était de favoriser l'exploitation des axes massifiés les plus rentables. Résultat, un an seulement après la mise en œuvre de ce plan de «sauvetage», le trafic avait déjà régressé de 11,3% et quelques 600 000 camions de plus avaient été jetés sur les routes.

Aujourd’hui encore, les chargeurs et les collectivités territoriales craignent la fermeture d’infrastructures avant même que des alternatives de redynamisation aient été explorées. C’est pourquoi, ces infrastructures qui appartiennent à RFF, doivent être impérativement conservées pour le transport de marchandises.

Pourtant, la demande exprimée par les industriels est forte s'aggissant du wagon isolé. En effet, les industries lourdes voient leur part de marché diminuer sensiblement et génèrent des lots de taille plus réduite, la part des envois traitables par train entier décroît irréversiblement. Autrement dit, l'avenir serait au wagon isolé et au traitement par petits lots. Aux Etats-Unis, le wagon isolé est un segment de haute productivité du marché. En France, les fédérations de chargeurs ont sans doute des solutions à proposer dans le cadre d’un nouveau schéma logistique global. On perçoit en tout cas une grande volonté de leur part de se positionner et de s’impliquer.
Si la SNCF estime qu’elle n’est pas en mesure de relever ce défi, ce qui est compréhensible compte tenu des difficultés de sa branche fret, il s’agit aussi de ne pas hypothéquer les chances du wagon isolé et donc de favoriser l’accès au marché à des opérateurs de proximité.
Depuis, le rachat de Géodis* en 2008 par l'opérateur historique confirme ses nouvelles ambitions dans le secteur de la logistique. Mais si la SNCF renonce au wagon isolé, faute d’y trouver une pertinence économique, cela ne doit pas empêcher d’autres opérateurs de se positionner. L’équilibre économique de cette activité pourrait être atteint sur la base d’une organisation différente. D’autres méthodes d’entretien et de gestion de l’exploitation sont donc à explorer, sous réserve d’une bonne définition des périmètres géographiques d’intervention. Des modes d’organisation nouveaux sont sans doute nécessaires pour assurer la rentabilité du secteur. Le Transport combiné rail-route, la conteneurisation ou encore les Unités de Transport Intermodal (UTI) sont autant de possibilités.
Et la puissance publique dans tout ça? Les collectivités locales, Régions en tête (qui consentent déjà d’énormes efforts sur le TER) sont aujourd'hui dans l’expectative. Certains plaident pour une intervention, à l'échelle locale, des agglomérations ou des régions au titre de leur compétence économique. En charge de l'aménagement des zones d'activités économiques, les communautés d'agglomération sont parfaitement légitimes pour conserver ou réactiver une fonction fret sur ces espaces productifs. Mais cela implique un certain volontarisme de leur part, dans la mesure où bon nombre d'installations terminales embranchées (ITE) ont été purement et simplement "sabotées"... Cela nécessite aussi des montages financiers public-privé complexes avec une question de première importance : ces équipements sont-ils de simples embranchements privés ou les maillons d'une desserte ferroviaire d'intérêt public?
* Les professionnels et experts du secteur estiment que la constitution d'une "holding" Fret-logistique SNCF-GEODIS (regroupant également STVA, VFLI et Naviland CARGO) serait enfin susceptible d’apporter une réponse adaptée, pertinente et cohérente aux aspirations des chargeurs et des entreprises situées sur tout le territoire national mais aussi aux donneurs d’ordre et de leurs salariés-consommateurs.
Pour aller plus loin, nous renvoyons aux rapports Hanel-Gerbault et Chauvineau :

samedi 1 novembre 2008

Quelle place pour le Grand Paris dans la réforme de l'organisation territoriale de la France?

Je reprends ici le point de vue que j'ai eu l'occasion d'exposer sur le blog "Le Grand Paris des Urbanistes" le 27 septembre 2008.
Une semaine après avoir assisté au débat organisé par l'association Urba+ au Cnam sur "Le Grand Paris des Urbanistes", des étudiants de Master de l'Institut d'Urbanisme de Paris ont adressé une lettre à Philippe Dallier. Nous publions (ci-après) cette contribution concise et précise, qui formule 3 propositions :
1° Les objectifs de fond doivent déterminer les instruments de gouvernance ;
2° Le système métropolitain francilien doit trouver une forme de gouvernance innovante et inédite compte-tenu de son contexte territorial spécifique ;
3° Il n'y a pas de périmètre pertinent : "La gouvernance du Grand Paris exigerait de créer un animateur central et global, qui aurait à la fois suffisamment de stabilité et de compétences pour canaliser l'action et assez de souplesse pour coordonner le travail concomitant dans des périmètres divers et évolutifs".
Concrètement? Les jeunes urbanistes proposent la création d'un "conseil du Grand Paris, animé par le maire de la capitale et le président du conseil régional, ou siégeraient les représentants des collectivités de l'agglomération parisienne. Cette assemblée pourrait acquérir progressivement des compétences départementales et communales."
On songe à la fois au Haut conseil de l'agglomération parisienne de la proposition de Loi de Georges Sarre et au syndicat mixte ouvert prôné par Roger Karoutchi. Un syndicat de ce type, consacré à "l'étude", a depuis été annoncé par la conférence métropolitaine du 25 juin 2008. Mais la question du portage institutionnel et celle de la composition de l'organe délibérant d'une telle structure cristallisent tous les antagonismes,
comme le laisse entendre sur son blog Pierre Mansat, Adjoint au Maire de Paris en charge du projet Paris Métropole. Dans ce schéma de co-gestion, la Région et la Ville de Paris risquent assurément de se disputer le leadership métropolitain pendant longtemps. Dans les faits, la proposition des étudiants de l'IUP est donc loin de trouver une traduction politique immédiate et une faisabilité institutionnelle. C'est une question de gouvernabilité, ni plus ni moins. A leur échelle territoriale respective et en restant sur leur pré-carré politico-administratif, la Région Île-de-France et la Ville de Paris ne peuvent véritablement "fédérer" les collectivités du cœur de la métropole : au delà de la crainte d'un hégémonisme de l'une ou l'autre, c'est bien l'inadaptation des circonscriptions électives et des territoires de représentation qui est en cause. En d'autres termes, les territoires vécus de la métropole, les "quartiers" de la zone dense (certains parlent de "quadrants") sont en total décalage avec les périmètres électoraux (arrondissements, cantons, communes, circonscriptions) hérités de la réforme administrative de 1964 et de la Loi PLM de 1982. Un véritable gouvernement de la métropole, c'est-à-dire, de la zone dense (la petite couronne et un peu au delà) nécessite donc sans aucun doute d'envisager d'autres alternatives sur le plan institutionnel. Alors que le Président de la République vient de confirmer, dans son discours de Toulon, la mise en chantier de l'organisation territoriale de notre pays, il semble opportun de profiter de cette occasion pour remodeler les pouvoirs locaux en Région Île-de-France et à l'échelle de la métropole parisienne. Les formes classiques du gouvernement local et notre structure administrative (héritée de la Révolution française) ne sont plus adaptées à l'ère de la globalisation et de la métropolisation. La place des départements de petite couronne dans le système métropolitain est donc clairement posée, comme celle des communes de la zone dense qui, faute d'ingénierie urbaine, ne peuvent peser face aux grands opérateurs de services publics en réseaux. Quant à l'intercommunalité, chacun sait que son déploiement en Région Île-de-France ne pouvait aboutir à la structuration de véritables bassins de vie à partir du moment où la Ville-centre, Paris, restait isolée. Le système actuel est donc mis en échec, car il ne parvient ni à garantir le rayonnement externe de la métropole ni à assurer sa cohésion interne. Pour répondre à la fois aux besoins de proximité et aux enjeux métropolitains, il faut donc "changer de braquet". Parce qu'une métropole ne peut garantir la cohésion urbaine avec un cœur mort, Paris doit réaffirmer un leadership économique et urbanistique, sortir définitivement de son isolement historique et concrétiser son projet de coopération extra muros sur le plan géoinstitutionnel. Il ne s'agit pas d'annexer les communes voisines comme au temps de Hausmann, mais d'engager une mutation profonde de la gouvernance métropolitaine. Car la gouvernance actuelle de l'agglomération, la fragmentation extrême de ses territoires et l’émiettement des stratégies de ses élus mettent clairement en péril son développement comme sa cohésion. Il ne s'agit pas non plus de revenir sur le principe de la décentralisation et de prôner le retour d'un État autoritaire, mais de dresser un bilan sur les conditions de mise en œuvre de cette décentralisation en région parisienne : "300 communes, 300 politiques d'urbanisme", rappelle à juste titre le Président de la SFU Jean-Pierre Gautry dans une récente tribune.
Pas plus que les communes ne constituent l'échelon pertinent pour gérer le droit des sols, l'Hôtel de Ville et ses petits arrondissements satellisés n'incarnent une ambition métropolitaine. “Le "Petit Paris" actuel est le produit de ce que Jean Viard a appelé une "démocratie du sommeil". Les électeurs étant ceux qui y dorment, ils votent pour une politique davantage tournée vers le confort résidentiel que vers l'activité et le progrès, au détriment du million d'actifs qui y viennent travailler chaque jour”, observe Laurent Davezies, professeur à l'Institut d'Urbanisme de Paris.
Dans ces conditions, le scénario d'un redécoupage de l'ensemble de la zone dense de la métropole en grands "Districts" (ou boroughs, comme on dit à Londres) ne doit pas être écarté. Plus fédérateur que celui de la "marguerite" (qui isole la Ville de Paris), cette recomposition territoriale aurait au moins le mérite d'arrimer les communes limitrophes (ce qu'on appelle communément "la banlieue") à Paris intra muros. C'est à cette condition que des bassins de vie peuvent se structurer, non pas contre Paris, mais à partir du cœur de Paris. Une manière de récréer du lien, de casser le mur du périph' (futur boulevard urbain de Paris Métropole?) et de faire de l'Hôtel de Ville de Paris "le parlement du Grand Paris", une "arène de la métropole", où chaque District enverrait ses représentants. Élus au suffrage universel direct, ceux-ci pourraient alors désigner le Président de l'institution métropolitaine du Grand Paris.
Olivier Crépin, 27 septembre 2008

vendredi 31 octobre 2008

Pas de métropoles compétitives sans stratégies portuaires et logistiques : suites



Parmi les 316 propositions de la commission Attali, figuraient la réforme des ports autonomes (Décision fondamentale 6) et la décision (n°106) de se doter de trois ports de taille européenne : Le Havre, Marseille et Nantes. Traduction de ces propositions, la loi du 4 juillet 2008 recentre l'activité des ports autonomes, rebaptisés grands ports maritimes (GPM), sur leurs missions principales : assurer l'accès maritime, la sécurité et la sûreté ; aménager le domaine portuaire et gérer les dessertes fluviales et terrestres ; élaborer la politique tarifaire. Les décrets d’application pris le 9 octobre 2008 fixent l'ensemble des dispositions réglementaires relatives à ces grands ports maritimes et transforment 6 ports autonomes métropolitains en GPM (Marseille, Le Havre, La Rochelle, Bordeaux, Nantes-Saint-Nazaire, et Dunkerque). Le décret concernant le port de Rouen devrait suivre rapidement. La loi prévoit également qu'un décret ministériel puisse engager la coordination entre ports d'une même façade maritime ou situés sur un même axe fluvial. Les ports du Havre, de Rouen et de Paris (PAP) pourraient donc se rapprocher. La loi redéfinit, en outre, la gouvernance des ports en les dotant d'un conseil de surveillance, aux pouvoirs renforcés par rapport à l'actuel conseil d'administration et dans lequel l'État et les collectivités territoriales pourront peser davantage. La loi institue en effet un conseil de surveillance et un directoire qui se substituent à l'unique conseil d'administration afin de dissocier les missions de contrôle et de gestion. Le décret n°2008-1032 en précise la composition et le fonctionnement. La représentation des collectivités y est accrue. Le conseil de surveillance comprend désormais outre cinq personnalités qualifiées, cinq représentants de l'État et trois des salariés de l'établissement, quatre des collectivités (un membre du conseil régional de la région dans laquelle se trouve le siège du port, un membre du conseil général du département et deux représentants des communes et groupements de collectivités territoriales dont une partie du territoire est située dans la circonscription). Le décret n°2008-1031 fixe quant à lui la durée des mandats du président du conseil de surveillance et des membres du directoire des GPM à cinq ans renouvelable.

Le décret n° 2008-1032 fixe en outre la composition et le fonctionnement du conseil de développement chargé d'émettre un avis sur le projet stratégique et la politique tarifaire des GPM. Celui-ci, composé de 20 membres au moins et 40 au plus, comprend quatre collèges permettant d'associer l'ensemble des parties prenantes, qu'il s'agisse des représentants de la place portuaire, de ceux des personnels des entreprises exerçant leurs activités sur le port, des collectivités. Le décret fixe également les modalités de consultation des collectivités ou de leurs groupements pour la délimitation des circonscriptions des GPM. Le texte précise aussi les modalités d'élaboration et de révision des projets stratégiques qui pourront faire l'objet de contrats d'investissements avec les collectivités et détaille leur contenu. La section du projet stratégique consacrée à la politique d'aménagement et de développement durable du port et identifiant la vocation des différents espaces portuaires doit en particulier traiter des relations du port avec les collectivités sur le territoire desquelles il s'étend. Sur ce plan, il faut rappeler l’importance des embranchements ferroviaires dans la problématique de l’interface port/hinterland. A cet égard, le décret n°2007-1867 du 26 décembre 2007, relatif aux voies ferrées portuaires et modifiant le code des ports maritimes avait déjà confié aux autorités portuaires la gestion de la circulation ferroviaire sur les voies ferrées portuaires et en faisait des opérateurs de proximité avant la lettre. Le décret n° 2008-1032 précise enfin le fonctionnement, les règles de sécurité ainsi que le régime domanial et financier des GPM.

Rappelons que cette réforme portuaire sera accompagnée d’un effort sans précédent de l’État pour l’entretien des ports, avec 36 M€ supplémentaires en trois ans, conformément aux objectifs Grenelle 3 du MEEDDAT dans le cadre de la programmation budgétaire 2009-2011.

mardi 28 octobre 2008

Comment gouverner la ville mobile ?










« Il est temps que l’on revienne à la ville dense, à la ville des courtes distances », déclarait Hubert Falco, Secrétaire d’Etat à l’aménagement du territoire en ouverture de la 29e rencontre nationale des agences d’urbanisme (FNAU) qui avait lieu au Havre du 22 au 24 octobre. Une injonction quelque peu paradoxale au regard de la problématique retenue pour ces journées d’échanges : passer de la ville aux grands territoires (« l’appel du large »). En effet, le mot d’ordre était bel et bien d’appréhender l’aire urbaine, le bassin de vie, la métropole, l’espace transfrontalier, mais aussi l’espace économique de la logistique et des ports. De ce point de vue, le choix du Havre était de circonstance. Qu’il s’agisse des politiques métropolitaines de déplacements ou du transport de marchandises, la dimension de la mobilité a ainsi été au cœur des débats.


Pour autant, rares sont les intervenants qui ont abordé avec précision les questions institutionnelles (seul Antoine Rufenacht, maire du Havre et président de l'agglomération havraise s'est aventuré sur ce terrain). La question de la réforme de notre organisation territoriale, pourtant à l’ordre du jour avec l’installation toute récente du comité Balladur, a été scrupuleusement éludée par la plupart des responsables politiques qui se sont succédés à la tribune, à commencer par le Secrétaire d’Etat Falco. Celui-ci, qui préside également la communauté d’agglomération de Toulon Provence Méditerranée, s’est contenté d’annoncer le lancement d’une démarche « SCOT exemplaires », qui consistera à dresser l’état de l’art des bonnes pratiques en la matière. En revanche, pas d’annonce du Ministre sur les orientations précises que souhaitait prendre son Ministère, le MEEDDAT, en matière de réforme des instruments de planification territoriale (SCOT, PDU, PLH, PLU, Schéma de Développement Commercial, Plan Climat Energie Territorial). La réforme de l’architecture de la planification sera pourtant au menu de la Loi Grenelle de l’Environnement n°2. Curieux silence alors qu’Alain Marleix, Secrétaire d’Etat chargé des collectivités territoriales, a confirmé tout récemment à l’occasion de la convention de l'AdCF que le transfert de la compétence urbanisme (le PLU) à l’échelle intercommunale serait bien mis à l’agenda par le Gouvernement. Et le PLU intercommunal ou communautaire n’est-il pas justement un outil stratégique pour « changer d’échelle » et concevoir des politiques publiques d’aménagement plus consistantes ?

L’intercommunalité, justement, n’a sans doute pas eu toute la place qu’elle méritait dans ces débats. Comme si entre la commune et le bassin de vie, entre la paroisse et la métropole, cette nouvelle maille de l’action publique territoriale n’avait pas émergé. Car, aussi louables soient-ils, les travaux et réflexions des agences d’urbanisme ne peuvent trouver leur traduction opérationnelle sans un relais des élus communautaires, compétents dans les domaines du développement économique local, de l’aménagement de l’espace, des transports urbains et de l’équilibre social de l’habitat. Et si les agences d’urbanisme gagneraient à jouer le rôle de « mini-DATAR » à l’échelle régionale (comme l’appelle de ses vœux le Président de la FNAU, André Rossinot) gare à ce que leurs missions de prospective ne s’apparentent pas à des « machineries » technocratiques. Si elles veulent exister, les agences d’urbanisme n’auront pas d’autre choix que de s’appuyer sur les communautés d’agglomération. Ces dernières sont en effet amenées à gagner en cohérence en matière de périmètre mais aussi en termes de légitimité avec l’instauration par la future loi Marleix sur la démocratie locale du suffrage universel direct pour la désignation des élus communautaires (en 2014).

C’est avec le géographe Martin Vanier que le débat sur la gouvernance territoriale a été remis sur la table. Ce dernier a posé la question du « dépassement de l’opposition entre gouvernements des territoires et gouvernements des usages », entre « cloisonnement et circulation ». Auteur d’un récent ouvrage sur Le Pouvoir des territoires ; essai sur l’interterritorialité (éditions Economica/Anthropos), Martin Vanier suggère d’envisager la refondation de l’action publique territoriale autour de « mandats politiques à deux niveaux ». Selon lui, la gouvernance des grands territoires est complexe car les deux logiques des « usages » et de la « résidence » sont antagonistes. Citons l’exemple du projet de réaménagement des Halles à Paris dont la concertation a été phagocytée par une petite centaine de résidents alors qu’il concerne quotidiennement plus de 800 000 usagers de la métropole francilienne. Rentrant en tension dans les dynamiques du développement territorial, comme l’ont très bien montré Laurent Davezies (La République et ses territoires) et Philippe Estèbe (Gouverner la ville mobile) dans leurs travaux respectifs, ces deux logiques méritent donc d’être articulées. Et si le mandat politique à concevoir n’était pas précisément celui de la responsabilité de l’articulation des échelles ? « Communal/intercommunal ou intercommunal/départemental, c’est ici que la question fédérale fait son grand retour », conclut Martin Vanier. La question fédérale, une voie à explorer pour le Grand Paris et la gouvernance des métropoles ?

mardi 21 octobre 2008

Villes en marche

Les Journées Mondiales de l'Urbanisme - JMU2008 - se dérouleront les 6 et 7 novembre 2008, à Charleville-Mézières / Sedan (Ardennes). Après les problématiques des quartiers d’affaires durables et des villes africaines durables, qui ont été l’objet des deux dernières JMU, les urbanistes souhaitent apporter leur contribution aux villes et territoires en marge des grands axes de développement.

Charleville-Mézières et Sedan n’échappent pas aux effets de la métropolisation européenne en cours ; Mais riches d’une volonté affirmée, elles engagent le débat du développement durable; Celui-ci est porté par une gouvernance ressourcée par de nouvelles dynamiques transfrontalières, soucieuses de développement, économique, social et culturel.

  • Quel avenir, quelles conditions de réussite pour un développement durable de ces territoires ?
  • Sur quels projets fédérer ce développement ?
  • Peut-on établir un ordre des priorités et comment les enjeux écologiques et culturels peuvent-ils constituer des vecteurs de développement territorial partagés par tous ?
  • Comment animer de nouveaux partenariats ?
  • Faut-il en réformer les structures administratives, les politiques de décentralisation sont-elles suffisantes et l’Etat joue-t-il encore son rôle de redistribution des ressources ?


Renseignements et inscriptions sur le site des journées mondiales de l'urbanisme :

http://www.journees-mondiales-urbanisme.org/



dimanche 28 septembre 2008

Pas de métropoles compétitives sans stratégies portuaires et logistiques

Les villes-ports sont aux avant-postes de la globalisation. En 2005, Marseille et Le Havre sont classés respectivement aux 24e et 39e rangs des ports mondiaux en termes de volume du trafic. Un bon indicateur pour la croissance française si l'on dresse des comparaisons avec les ports belges, hollandais et allemands... Les enjeux sont énormes: le transport des marchandises par voie maritime explose, notamment en Méditerranée, où transite près de 30% du volume mondial de marchandises et près du quart du trafic pétrolier.

Réorganisations logistiques, raccordements ferroviaires des zones portuaires, développement des autoroutes de la mer, notamment dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée (UPM), les ports méditerranéens affutent leur stratégie. Tanger, Valence, Barcelone ou Gênes investissent massivement sur le développement portuaire. Marseille aussi, bien entendu, qui aimerait redorer son blason... Mais la concurrence sera rude : depuis la mise en service partielle, en juillet 2007, d'un terminal dédié à l'activité d'import-export de conteneurs, le port de Tanger a déjà enregistré un trafic de transbordement de près de 200.000 conteneurs EVP (Equivalent Vingt Pieds), selon les chiffres des responsables de l'Agence Spéciale Tanger Méditerranée (TMSA). Le démarrage de l’activité import-export de conteneurs sur le "Tanger-Med" contribuera à améliorer la compétitivité du tissu industriel de la région du détroit de Gibraltar et permettra aux opérateurs marocains de bénéficier du nouveau profil de connectivité avec le monde offert par cette plate-forme portuaire, située sur l’une des plus importantes routes maritimes au niveau international.

zone portuaire de Tanger en développement

Plus que jamais, la France doit définir de nouvelles stratégies portuaires et logistiques pour s'adapter à ce nouvel univers hyper-concurrentiel. Le discours de Roissy du 26 juin 2007 du Président de la République, tout juste élu, avait donné le ton. Un discours sans doute inspiré par Jacques Attali, mandaté par la suite par Nicolas Sarkozy pour montrer le chemin de "la libération de la croissance". D'ailleurs, parmi les 316 propositions de la commission Attali, figurent la relance du développement des infrastructures portuaires et la réforme des ports autonomes (Décision fondamentale 6). Le rapport Attali notait à cet égard : "Le port de Marseille affiche une croissance de 2 % alors qu’elle atteint 49 % pour l’ensemble des ports de l’Europe du Sud depuis le début des années 1990. Il a perdu plus du tiers de sa part de marché entre 1990 et 2005. Le coût de la manutention à Marseille, supérieur d’un tiers à celui des deux ports méditerranéens de Gênes et Valence, et son poids dans le coût global (61 %) expliquent la totalité de la charge supplémentaire pesant sur l’armateur par rapport aux escales dans les ports concurrents." (Décision 106 : se doter de trois ports de taille européenne : Le Havre, Marseille et Nantes).

Vue sur le port de Marseille

Ces orientations ne sont pas superflues, car chez Jacques Attali la question portuaire est décisive, comme en atteste sa rétrospective de la mondialisation dans son essai
Une brève histoire de l’avenir (Fayard, 2006) mais aussi l'intervention qu'il avait donnée aux Journées Mondiales de l’Urbanisme de 2006.