mardi 28 octobre 2008

Comment gouverner la ville mobile ?










« Il est temps que l’on revienne à la ville dense, à la ville des courtes distances », déclarait Hubert Falco, Secrétaire d’Etat à l’aménagement du territoire en ouverture de la 29e rencontre nationale des agences d’urbanisme (FNAU) qui avait lieu au Havre du 22 au 24 octobre. Une injonction quelque peu paradoxale au regard de la problématique retenue pour ces journées d’échanges : passer de la ville aux grands territoires (« l’appel du large »). En effet, le mot d’ordre était bel et bien d’appréhender l’aire urbaine, le bassin de vie, la métropole, l’espace transfrontalier, mais aussi l’espace économique de la logistique et des ports. De ce point de vue, le choix du Havre était de circonstance. Qu’il s’agisse des politiques métropolitaines de déplacements ou du transport de marchandises, la dimension de la mobilité a ainsi été au cœur des débats.


Pour autant, rares sont les intervenants qui ont abordé avec précision les questions institutionnelles (seul Antoine Rufenacht, maire du Havre et président de l'agglomération havraise s'est aventuré sur ce terrain). La question de la réforme de notre organisation territoriale, pourtant à l’ordre du jour avec l’installation toute récente du comité Balladur, a été scrupuleusement éludée par la plupart des responsables politiques qui se sont succédés à la tribune, à commencer par le Secrétaire d’Etat Falco. Celui-ci, qui préside également la communauté d’agglomération de Toulon Provence Méditerranée, s’est contenté d’annoncer le lancement d’une démarche « SCOT exemplaires », qui consistera à dresser l’état de l’art des bonnes pratiques en la matière. En revanche, pas d’annonce du Ministre sur les orientations précises que souhaitait prendre son Ministère, le MEEDDAT, en matière de réforme des instruments de planification territoriale (SCOT, PDU, PLH, PLU, Schéma de Développement Commercial, Plan Climat Energie Territorial). La réforme de l’architecture de la planification sera pourtant au menu de la Loi Grenelle de l’Environnement n°2. Curieux silence alors qu’Alain Marleix, Secrétaire d’Etat chargé des collectivités territoriales, a confirmé tout récemment à l’occasion de la convention de l'AdCF que le transfert de la compétence urbanisme (le PLU) à l’échelle intercommunale serait bien mis à l’agenda par le Gouvernement. Et le PLU intercommunal ou communautaire n’est-il pas justement un outil stratégique pour « changer d’échelle » et concevoir des politiques publiques d’aménagement plus consistantes ?

L’intercommunalité, justement, n’a sans doute pas eu toute la place qu’elle méritait dans ces débats. Comme si entre la commune et le bassin de vie, entre la paroisse et la métropole, cette nouvelle maille de l’action publique territoriale n’avait pas émergé. Car, aussi louables soient-ils, les travaux et réflexions des agences d’urbanisme ne peuvent trouver leur traduction opérationnelle sans un relais des élus communautaires, compétents dans les domaines du développement économique local, de l’aménagement de l’espace, des transports urbains et de l’équilibre social de l’habitat. Et si les agences d’urbanisme gagneraient à jouer le rôle de « mini-DATAR » à l’échelle régionale (comme l’appelle de ses vœux le Président de la FNAU, André Rossinot) gare à ce que leurs missions de prospective ne s’apparentent pas à des « machineries » technocratiques. Si elles veulent exister, les agences d’urbanisme n’auront pas d’autre choix que de s’appuyer sur les communautés d’agglomération. Ces dernières sont en effet amenées à gagner en cohérence en matière de périmètre mais aussi en termes de légitimité avec l’instauration par la future loi Marleix sur la démocratie locale du suffrage universel direct pour la désignation des élus communautaires (en 2014).

C’est avec le géographe Martin Vanier que le débat sur la gouvernance territoriale a été remis sur la table. Ce dernier a posé la question du « dépassement de l’opposition entre gouvernements des territoires et gouvernements des usages », entre « cloisonnement et circulation ». Auteur d’un récent ouvrage sur Le Pouvoir des territoires ; essai sur l’interterritorialité (éditions Economica/Anthropos), Martin Vanier suggère d’envisager la refondation de l’action publique territoriale autour de « mandats politiques à deux niveaux ». Selon lui, la gouvernance des grands territoires est complexe car les deux logiques des « usages » et de la « résidence » sont antagonistes. Citons l’exemple du projet de réaménagement des Halles à Paris dont la concertation a été phagocytée par une petite centaine de résidents alors qu’il concerne quotidiennement plus de 800 000 usagers de la métropole francilienne. Rentrant en tension dans les dynamiques du développement territorial, comme l’ont très bien montré Laurent Davezies (La République et ses territoires) et Philippe Estèbe (Gouverner la ville mobile) dans leurs travaux respectifs, ces deux logiques méritent donc d’être articulées. Et si le mandat politique à concevoir n’était pas précisément celui de la responsabilité de l’articulation des échelles ? « Communal/intercommunal ou intercommunal/départemental, c’est ici que la question fédérale fait son grand retour », conclut Martin Vanier. La question fédérale, une voie à explorer pour le Grand Paris et la gouvernance des métropoles ?