samedi 20 décembre 2008

De l'explosion urbaine au bidonville global (ou la réalité d'une favela aux portes de Madrid)




Et si Mike Davis avait raison? Et si l'avènement du bidonville global n'était pas qu'un mauvais cauchemard, mais tout simplement la cruelle réalité? Un millard de personnes survivent dans les bidonvilles du monde, lieux de reproduction de la misère à laquelle les gouvernements n'apportent aucune réponse adaptée.


Pour Mike Davis, sociologue-urbaniste et chercheur transdisciplinaire, nous rentrons dans "Le pire des mondes possibles" en passant de "l'explosition urbaine au bidonville global". Bien loin des villes de lumière imaginées par les architectes-urbanistes "starisés", le monde urbain du XXIe siècle pourrait être dominé par ces "mégabidonvilles" tentaculaires, où domine le travail informel, "musée vivant de l'exploitation humaine", pour reprendre les termes du chercheur américain. La crise planétaire lui donnera-elle raison?


Car, la "favelisation", ce processus de formation et de propagation d'habitat spontané informel et précaire, ne concerne plus seulement les pays dits "du sud", mais aussi l'Europe, y compris ses aires métropolitaines les plus développées.
En Espagne, à moins de 13 km du centre de Madrid, se trouve Cañada Real Galiana : le plus grand bidonville d’Europe occidentale. Situé le long de l’autoroute M50 (à la sortie sud de la capitale), il concentre environ 40 000 personnes principalement d'origine marocaine, qui y vivent dans l'insalubrité.


En mai 2008, France 24 a réalisé un reportage saisissant sur Cañada Real Galiana, véritable ville dans la ville, bâtie sur des terrains illégaux. Des Espagnols, arrivés il y a près de 40 ans lors de l’ouverture du régime franquiste à l’économie de marché, y habitent aussi.

Ces derniers, originaires d'Andalousie et d'Estrémadure, occupent les quartiers les mieux lotis du bidonville, comme le secteur V, qui s'est considérablement étendu. Ici, malgré la chaussée cabossée et l'absence de services publics, les maisons sont tout de même en dur. Les habitants sont même considérés "comme des résidents des communes voisines et paient la taxe foncière", précise le reportage de France 24. "En octobre 2007, sans préavis, la ville de Madrid essayé de déloger plusieurs familles de ce secteur pour démolir une partie des habitations illégales. Les forces de l’ordre se sont heurtées aux habitants, déclenchant une véritable émeute qui a fait plusieurs blessés du côté des policiers. Les autorités ont alors suspendu les démolitions. Pourtant, fin avril, des bulldozers sont revenus détruire plusieurs maisons, une nouvelle fois sans préavis."

A l'inverse, le secteur de Galinero, le plus défavorisé, véritable favela et haut lieu du trafic de drogue, ne fait l'objet d'aucun plan d'évacuation. Les conditions sanitaires y sont déplorables. Malgré les patrouilles médicalisées de la Communauté de Madrid, l'accès aux soins reste extrêmement difficile : 2 à 3 km à pied le long de la route du deal pour joindre le bus, puis le métro, soit 1h30 au total pour rejoindre la première clinique.

"Au centre du bidonville, Valdemingomez est un quartier miné par la violence. Le trafic de drogue y est en pleine croissance depuis deux ans. Le parking de l’église ne désemplit pas de junkies amenés en "kundas", les taxis de la drogue. Héroïne, crack, cocaïne : les dealers au volant vont chercher leurs clients dans le centre de Madrid. Dans ce quartier, où les toxicomanes sont partout, le manque d'hygiène est total. Depuis que les différents points de vente de drogue du centre-ville sont surveillés par la police, et depuis qu'un net ralentissement économique touche l'Espagne, le bidonville madrilène est en constante extension. La Région de Madrid, comme les mairies concernées, paraissent dépassées par la situation. Les quelques ordres de démolitions prononcés ces dernières semaines semblent surtout avoir pour but de dissuader de nouveaux arrivants. En vain."


Voir le reportage de France 24 "Cañada Real Galiana, le bidonville de la honte", jeudi 15 mai 2008