jeudi 29 janvier 2009

Vu sur le site de Transit City : une nouvelle étape de l'urbanisme sur la mer ?

Transit City est un "think tank" sur l'urbanisme particulièrement ambitieux. J'ai déjà eu l'opportunité de participer à une de ses réunions. Avec Transit City nous sommes dans le domaine de la prospective transdisciplinaire. Le programme de recherche, piloté par François Bellanger, s'articule, notamment, autour d'Ateliers organisés tous les mois.

"Le programme Transit-City a pour ambition de jeter des passerelles entre des domaines aussi divers que l'urbanisme et le marketing, la grande distribution et la sociologie, la promotion immobilière et le transport. Ce programme est né de la volonté de décloisonner la réflexion prospective en réunissant régulièrement des acteurs de la ville venant d'horizons très différents (immobilier, transport, commerce, architecture, design, histoire de l'art...) qui n'ont bien souvent pas l'occasion de se rencontrer pour échanger", peut-on lire sur le site Internet de Transit City.
La saison 2008/2009 est placée sous le signe des Ruptures et des opportunités de mutations.
La dernière rencontre avait justement lieu sur le thème "VERS DE NOUVELLES RELATIONS ENTRE LA MER ET LES VILLES ?"
En voici le pitch:
"Et si, entre Dubaï, Monaco, la Corée, la Chine et les projets d'îles flottantes, nous assistions actuellement à une nouvelle étape de l'urbanisme sur la mer ?
Et si la montée des océans nous obligeait à inventer un nouvel urbanisme ?
Et si nous nous dirigions, dans les années qui viennent, vers une banalisation des POM (Plan d'Occupation de la Mer) ?
Bref, et si l'un des grands enjeux de ce début de XXIème siècle, était de repenser totalement les rapports entre les villes et la mer ?"
(Copyright ©2004-2005 Transit-City)
Je recommande également l'excellent blog de François Bellanger : http://transit-city.blogspot.com/

dimanche 18 janvier 2009

Le savant et le politique

Jean-Pierre Orfeuil analyse depuis trente ans les comportements de déplacements, leur sensibilité aux politiques en matière d'urbanisme et de transport, leurs conséquences en termes économiques, sociaux et environnementaux. Il est professeur à l'Institut d'Urbanisme de Paris. Il a récemment publié deux ouvrages remarqués, Une approche laïque de la mobilité (Descartes & Cie). Il fait partie de la communauté des chercheurs dont les analyses (quand celles-ci sont prises en compte) peuvent éclairer les décideurs sur la pertinence de nos politiques de déplacements.

Morceaux choisis :

"Comprendre la mobilité, c'est d'abord comprendre, en dehors de toute logique technicienne, le lien qui unit la réalisation d'activités et nos capacités à nous mouvoir dans l'espace, ce qui implique de ne pas se cantonner à des approches sectorielles. C'est aussi se doter de moyens raisonnables pour comprendre ce que chaque politique change dans le quotidien des gens, en bien ou en mal, et sa capacité à atteindre ses objectifs".


"Très prosaïquement (...), on peut considérer qu'une activité qui mobilise de l'ordre de 7% de notre temps éveillé, à laquelle nous consacrons collectivement plus de 200 milliards d'euros et qui mobilise près de 3 millions d'emplois pour sa réalisation (en France) mérite quelques attention..."

"Ce n'est pas parce que chacun est acteur de son déplacement qu'il en est le décideur de fait. La grande distribution a non seulement imposé l'idée que le consommateur peut venir à elle, mais elle a aussi, dans bien des endroits, tellement contribué à assecher le commerce local de base qu'il doit venir à elle. Le chômeur qui refuserait l'emploi que lui propose l'ANPE au seul motif qu'il est à 20 kilomètres de son domicile, qu'il ne peut y aller qu'en voiture, ce qui serait mal pour l'avenir de la planète, risque davantage de percevoir le RMI que de se voir attribuer une médaille du Ministère du Développement durable".



A lire également : Mobilités urbaines, l'âge des possibles (Les cahiers de l'info).




Je reproduis ici un point de vue publié par Jean-Pierre Orfeuil dans la lettre des jeunes chercheurs de l'Institut d'Urbanisme de Paris (Passerelle, N°3, juin 2006) :


"On répète avec raison que les chercheurs doivent sortir de leur tour d’ivoire et apporter leur contribution aux débats de société, ce que nous faisons au CRETEIL. Lorsque nos résultats vont dans le sens des croyances dominantes, tout va bien. Dans le cas contraire, on expérimente les risques du métier, ce qui n’est pas grave à titre personnel lorsqu’on est professeur, ce qui est plus ennuyeux pour le bon fonctionnement de la société, dont les élites semblent décidément rétives à l’évaluation indépendante.
Nous nous sommes intéressés à la soutenabilité des coûts des transports urbains. Il s’agit d’évaluer les besoins de financement public induits par ces services (on dit que la dépense publique est trop élevée), de les répartir entre le fonctionnement et l’investissement, d’en étudier l’évolution sur une période assez longue.
Résultat pour l’ensemble de la France :

 Un quart du coût des transports publics est payé par les usagers, les trois-quarts sont financés par une taxe prélevée sur les employeurs au prorata de leur masse salariale (pour stimuler l’emploi, ça se discute) et par les finances publiques (essentiellement fiscalité locale). Le coût public, pour l’ensemble de la France, est égal (transport urbain seul) ou supérieur (transport urbain et régional) au budget des universités. Jusque-là, rien à redire du point de vue scientifique, ce partage et ce montant sont des choix politiques. On souhaiterait simplement que la population en soit informée et qu’elle mesure le sens de la priorité à la recherche quand les salaires des jeunes chauffeurs et des jeunes maîtres de conférences des universités sont identiques, pour un âge d’entrée dans la profession très différent.

Résultat en province :
 Une dépense publique par voyageur proche du coût du taxi, pour une qualité de service dont on admettra qu’elle est inférieure.
 Une croissance forte de la dépense de fonctionnement, une baisse de l’investissement, alors que depuis plusieurs années, on ne parle que de la priorité aux transports publics.
 Une croissance de la dépense publique de 4,8 % par an en termes réels depuis 1995, absorbée aux 2/3 par les coûts de production par km (c’est-à-dire par les entreprises de transport).
 Une progression faible du nombre de voyageurs, qui ne suit pas l’évolution de la dépense publique, et qui pose le problème de l’adéquation des nouvelles offres à la demande.

Là, le scientifique peut évoquer des questions d’efficacité économique, de divergence des paroles publiques et des actes, de captations des rentes associées aux dépenses publiques par les opérateurs, de dissymétrie des informations entre régulateur et opérateur. Tout cela passe très bien quand il rédige un article compliqué dans une revue de langue anglaise qui n’est lue en France que par une poignée de pairs. Il mettra à son tableau de chasse un article dans une revue de catégorie A qui servira son avancement. Tout se complique quand le scientifique ne s’exprime pas en novlangue. Il rend compte des problèmes, observe que les transports régionaux sont sur le même chemin, mais aussi que nos groupes de transport se sont adaptés à d’autres contextes lorsqu’ils sont opérateurs à l’étranger. La vertu est donc affaire de contexte.
Résultat pour nous, après la publication par Infrastructure et Mobilité : pas de contestation des résultats, une promesse de contrat de recherche non tenue, des insultes lors du congrès des maires des grandes villes, des “ pairs ” qui se tiennent à l’écart des débats, soucieux des futurs contrats de recherche. La vertu est à nouveau affaire de contexte … Vive la tour d’Ivoire ?


Commentaire et remise en pespective politique de l'analyse :

Si l'on ne peut que souscrire aux objectifs ambitieux du Grenelle de l'Environement de réaliser d'ici 2020 la mise en chantier de 1500 kms de transports collectifs urbains en site propre, certaines associations d'élus, comme l'AdCF et le GART, attirent l’attention des pouvoirs publics sur la question de la « soutenabilité » financière d’un tel effort pour les agglomérations françaises, compte tenu notamment des charges d’exploitation croissantes des réseaux de transports collectifs.
Au vu des estimations financières réalisées par le GART, et qui mériteront d’être régulièrement actualisées, cet effort représentera 18 milliards d’euros d’investissements et environ 2 milliards de charges annuelles d’exploitation supplémentaires en vitesse de croisière, soit l’équivalent du produit de versement transport actuellement perçu par les autorités organisatrices des transports urbains (AOTU) de province.
L’AdCF constate que les travaux du comité opérationnel n’ont guère permis à ce jour d’apporter des réponses suffisantes à la question du financement de l’exploitation de la compétence transports pour les agglomérations, ce qui laisse augurer d’une sollicitation croissante de leur budget général et ce à des rythmes de progression rapidement insoutenables (voir sa note de réaction).

Signalons également que l'objectif des 1500 km de lignes nouvelles de TCSP ne concerne pas l'Île-de-France, région où le désengagement financier structurel de la puissance publique au cours des décennies 1980 et 1990 entraîne aujourd'hui des conséquences d'une gravité exceptionnelle.

Remise en pespective politique de l'analyse - 27 juin 2009 :
La Commission des affaires économiques du Sénat a examiné ces derniers jours le rapport et les amendements du titre II du projet de loi portant Engagement National pour l'Environnement (ENE), dit « Grenelle 2 », volet du projet de loi relatif aux transports et lourd d’enjeux pour les communautés autorités organisatrices en matière d’attribution de nouvelles compétences et d’octroi de nouvelles sources de financements pour l’organisation des transports urbains. Concernant le volet financement des transports collectifs urbains, le principe de l’instauration d'une taxe sur les plus-values immobilières liées à la réalisation d'une infrastructure de transport collectif a été adopté. La question de l’assiette de cette nouvelle taxe n’a pas encore été tranchée. Les amendements visant à réintroduire la possibilité d’instituer un « péage urbain » ou relatifs à d’autres outils de financements nouveaux pour les collectivités territoriales ont été en revanche écartés à ce stade.
Conclusion : aurons nous les moyens de nos ambitions?


vendredi 9 janvier 2009

Les terroirs durables, selon des gascons


Je reproduis ici "le 1er Ego du J'Go de 2009", petit billet d'humeur d'amis toulousains (désormais bien implantés à Paris). Le fondateur de cette véritable ambassade gasconne, Denis Melliet, est un homme généreux qui sait vous recevoir avec une bonne assiette de jambon de porc noir de Bigorre (et d'excellents vins) pour vous parler de terroir et de ferias. Je recommande aussi le cassoulet de sa maman, que l'on peut déguster Au bon vivre, place Wilson à Toulouse.



Indice géographique perturbé

N’en déplaise aux fâcheux qui remettent en cause leur légitimité, les labels alimentaires servent loyalement ceux qui travaillent la terre, élèvent des bêtes et pressent le raisin. En garantissant la provenance, la qualité et le mode de fabrication des produits, ils permettent au consommateur de se payer un luxe rare de nos jours : savoir ce qu’il mange. Certains labels, avouons-le, ont pourtant peu d’intérêt. C’est le cas de celui qui régit les yeux de velours (le label de Cadix), du label poilu qui garantit la qualité des deuxièmes et troisièmes lignes (le label à tifs Benazzi), de celui qui protège les forêts du sultan (le label aux bois d’Oman), du label international qui garantit l’authenticité des cascades au cinéma (le label mondo), du label grec qui atteste des vertus des poires au chocolat (le label hellène), et de celui qui regroupe les chants révolutionnaires transalpins entonnés a mobylette (le label à ciao). Tous les autres sont en revanche indispensables, à commencer par l’Indice Géographique Protégé qui interdit de produire du jambon de Bayonne à Perros-Guirec, de cultiver l’ail rose de Lautrec à Istanbul ou d’affiner le Parmesan à Reykjavík. Je ne vois pas ce qu’il y a de choquant là-dedans. Si l’on remet tout cela en question, pourquoi dès lors ne pas faire passer le tour de France par le Royaume-Uni ou courir le Dakar entre Buenos Aires et Valparaiso ? Soyons sérieux.
Plus sérieusement encore, je recommande la lecture de ce remarquable article de Christian Brodhag, ancien délégué interministériel au développement durable, intitulé "agriculture durable, terroirs et pratiques alimentaires", article repris dans le Courrier de l’environnement de l’INRA n°40, juin 2000

mercredi 7 janvier 2009

Les plans de déplacements urbains à la recherche d’un second souffle

Les Plans de déplacements urbains (PDU) définissent les principes de l'organisation des transports de personnes et de marchandises, de la circulation et du stationnement, dans le Périmètre des Transports Urbains. Instaurés par la Loi d’orientation sur les transports intérieurs en 1982, et rendus obligatoires par la Loi sur l’air et sur l’utilisation rationnelle de l’énergie du 30 décembre 1996 (dite LAURE ou Lepage), ils constituent un outil cadre pour impulser des politiques globales de déplacements. Diminuer la circulation automobile, développer l’usage des transports collectifs, de la marche et du vélo, intégrer le stationnement, améliorer la livraison des marchandises, et plus globalement, permettre à chacun de se déplacer en toute sécurité, dans une ville plus agréable à vivre, tels sont les objectifs des PDU. Plus de dix ans après, quel bilan tirer de cette démarche ? Quelles perspectives pour cet outil de politique publique à l’heure du Grenelle de l’environnement ? Les autorités organisatrices de transports urbains souhaitent aujourd’hui se voir confier les compétences leur permettant de mettre en œuvre les mesures prévues dans les plans de déplacements urbains qu’elles sont chargées d’élaborer.
Extrait de l’article : « Les plans de déplacements urbains à la recherche d’un second souffle », Olivier CREPIN, Chantal DUCHENE, TEC, N° 198, juin 2008, (Mobilité urbaine durable), revue éditée par l’association pour le développement des techniques de transport, d’environnement et de circulation (ATEC) – Réf : ISSN 0397-6513.

Vers une génération Grenelle des PDU?
Dans le cadre des objectifs nationaux visant à réduire par quatre, à l’horizon 2050, nos émissions de gaz à effet de serre, la promotion des transports collectifs et des mobilités actives constitue un objectif capital qui se heurte néanmoins :
- aux dynamiques d’urbanisation marquées par l’étalement et la dé-densification ;
- à l’absence d’une compétence transversale de gestion de déplacements locaux ;
- à la question du coût du financement des transports collectifs (investissements et fonctionnement).

L'élaboration du PDU a permis à de nombreuses autorités organisatrices de bâtir un projet qui s’inscrive comme une véritable armature de leurs projets de territoire. Le PDU, pourtant « sectoriel», a su décloisonner les approches. Parler de transports en commun et d'infrastructures ne suffit plus pour répondre aux besoins de mobilité d’une société et d’individus dont la vie a changé. Les temps de la ville, les temps de la vie, les temps de travail, ceux des loisirs, les temps consacrés aux tâches ménagères, ou encore les temps autonomes des enfants et des jeunes ont conduit les élus à s’adapter à des demandes nouvelles. Bureau des temps, maisons de la mobilité, services nocturnes, accompagnement social, mais aussi les démarches de promotion de la marche pour la santé, les actions contre le bruit ou la pollution de l’air… autant d’idées et de concepts nés des nouvelles exigences des citoyens.

L’enjeu majeur de la lutte contre l’étalement urbain

Notre ville périurbaine, produit d’une culture du « tout automobile », a du mal à produire de l’espace public facilement accessible aux modes non motorisés (vélo, piétons). L’analyse du contenu des PDU révèle que ces documents ne découpent que rarement leurs territoires en secteurs. Qui plus est : ce sont les centres-villes qui ont retenu l’attention discursive (comme autant de théâtres de congestion et de pollution) au détriment des périphéries
[1]. Certains ont souligné à ce titre, le schéma urbanistique bicéphale des PDU : d’un côté, la consécration d’un modèle rhénan qui s’attache à promouvoir des politiques restrictives pour l’automobile dans des centres-villes sanctuarisés ; et de l’autre le cautionnement d’un modèle californien dans des périphéries laissées à la merci de la voiture particulière. Dans ces circonstances, un pan entier de l’aménagement économique (les grands pôles périphériques que sont les zones économico-commerciales, premières responsables de l’étalement urbain) est occulté par les politiques de planification des déplacements, à de rares exceptions. La future génération de PDU prendra-t-elle en compte les problèmes spécifiques à cette autre ville, moins dense et plus sectorisée, et dont les habitants, sous dépendance automobile, sont aujourd’hui très fragilisés du fait de la hausse rapide et structurelle des carburants ?


Les propositions du GART formulées dans le cadre du Grenelle de l’Environnement

1° Le renforcement des compétences des AOTU
Au plan statutaire, les Autorités Organisatrices du Transport Collectif Urbain sont chargées de l’élaboration des Plans de Déplacements Urbains mais ne sont dotées que de la compétence Transport collectif. De nouveaux leviers d’action sont donc nécessaires. Il s’agit d’étendre le champ d’intervention des intercommunalités, autorités organisatrices de transports, en leur permettant de se doter de toutes les compétences pour la mise en œuvre des Plans de Déplacements Urbains. Le GART a ainsi proposé la transformation des autorités organisatrices des transports collectifs en autorités organisatrices de la mobilité durable. Cette compétence devrait être exercée au niveau intercommunal, qui aurait la charge de mettre en œuvre les politiques intermodales avec la région et le département. Elle comprendrait tous les leviers nécessaires à la mise en œuvre des plans de déplacements urbains : outre l’organisation des transports collectifs, l’intercommunalité serait en charge du stationnement (hors voirie et sur voirie), de la politique vélo (itinéraires cyclable et services de location de vélo), de l’autopartage, des taxis, et aussi des marchandises. Pour ce faire, elle devrait pouvoir exercer la maîtrise d’ouvrage sur toutes les infrastructures nécessaires à l’exercice de ces compétences (voies réservées, stations, abris-voyageurs, centres de distribution urbains), en coordonnant ses actions avec les différentes communes concernées… S’agissant de la livraison des marchandises par exemple, qui n’est pas une compétence à proprement parlé, cette évolution permettrait de sortir du vide juridique : ainsi, la réalisation d’espaces logistiques urbains du type centres de distribution urbaine (qui visent à optimiser la distribution des marchandises en ville) gagnerait à relever de l’intérêt communautaire au titre des compétences développement économique et aménagement de l’espace des agglomérations. Ce statut ne détermine en rien le mode d’exploitation mais permet d’organiser la chaîne logistique en cohérence avec la politique d’aménagement et de déplacements urbains de l’agglomération.

Aussi volontaristes soient-ils, certains PDU n’ont pu trouver une traduction effective. C’est notamment le cas en matière de lutte contre l’étalement urbain, et pour cause : les infrastructures routières (rocades pénétrantes) échappent au contrôle des autorités organisatrices de transports urbains. Vitesse de déplacement et étalement urbain étant intimement liés, on comprend bien qu’il est périlleux d’enrayer les nuisances associées à cet éparpillement périurbain. Les politiques d’aménagement urbain devront à ce titre mieux intégrer la limitation des vitesses de circulation automobile afin d’opérer un report modal plus efficace vers les transports collectifs.
A cet égard, le GART plaide en faveur d’une expérimentation de voies réservées sur les autoroutes et voies rapides pour les transports collectifs, le covoiturage et les taxis ainsi que la mise en place éventuelle d’une réduction de la vitesse des véhicules. Ces mesures, aujourd’hui envisagées dans de nombreuses agglomérations françaises, sont très longues à mettre en œuvre au plan réglementaire. La mise en œuvre de mesures concrètes en matière de gestion des mobilités urbaines implique donc de mener une réflexion sur les compétences des autorités organisatrices de transports. En effet, la Loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités des collectivités locales a opéré une nouvelle répartition des compétences, notamment en matière de transports et de déplacements : elle a transféré aux conseils généraux la gestion de la majeure partie du domaine routier. La plupart des grandes pénétrantes routières en agglomération sont donc rentrées dans le giron de l’institution départementale. En conséquence, les AOTU ayant la responsabilité d’élaborer des Plans de Déplacements Urbains n’ont pas la possibilité d’intervenir directement sur ces axes (pourtant inclus dans les Périmètres de Transports Urbains).

C’est pourquoi le GART a proposé :
- l’expérimentation d’une délégation de la compétence départementale de la gestion des voiries urbaines les plus structurantes au profit des AOTU [en application de l’Article L. 5210-4 du CGCT (Code Général des Collectivités Territoriales) issu de l’article 151 de la loi du 13 août 2004]
- un meilleur porté à connaissance par les services de l’Etat des possibilités de transfert en pleine propriété des voiries départementales et nationales les plus structurantes au sein des PTU (rocades, pénétrantes d'agglomération) pour en confier l'aménagement aux AOTU (dans le cadre fixé par l’article L.3112-1 du code général de la propriété des personnes publiques)


2° Le renforcement de la cohérence entre transports et urbanisme
[2]
Il convient de définir les priorités d’urbanisation au regard de la desserte en transports collectifs et d’autoriser l’implantation de grands équipements en fonction d’une analyse préalable des déplacements. La traduction effective de ce principe dans les documents d’urbanisme gagnerait à ce que l’on définisse des zones de densification prioritaires dans les SCOT et les PLU, avec des densités bâties minimales, et appliquer dans ces zones des mesures fiscales préférentielles (modulation de la taxe foncière, Taxe Locale d’Equipement…). C’est dans ce sens qu’a plaidé le GART à l’occasion du Grenelle de l’Environnement et avec un certain succès dans la mesure où le principe d’institution de zones de densification environnementale et de COS majorés à proximité immédiate des transports en commun a été retenu.

S’il est vrai que les questions de transport et de déplacements occupent une bonne place dans les préoccupations des maîtres d’ouvrage de SCOT, reste à formuler des préconisations directrices affirmées, notamment pour ce qui concerne les liens entre urbanisation et desserte en transport en commun. Même si les migrations pendulaires, la complémentarité et l’équilibre ville - campagne s’apprécient à l’échelle des aires urbaines, zonage de référence pour la maîtrise d’ouvrage des SCOT, force est de constater que les exercices de planification menés à cette échelle n’ont pas réussi à imposer leur légitimité politique, ni même leur valeur prescriptive. Ainsi, pour des raisons de gouvernance et de mise en œuvre opérationnelle des démarches de planification, le GART pense qu’il n’est pas concevable de faire remonter le niveau d’élaboration des PDU à l’échelle des aires urbaines. Qui plus est, la carte de l’intercommunalité n’est pas encore totalement achevée et il est donc probable que les périmètres des communautés gagnent encore en cohérence (par extension ou fusion). Bien évidement, la question des périmètres n’épuise pas totalement le problème d’organisation des transports collectifs face à l’étalement urbain et surtout de la desserte périurbaine, question qui se pose davantage en termes de financement.


- Repositionner le PDU dans une planification territoriale plus intégrée à l’échelle des communautés d’agglomération et urbaines
Aujourd’hui, le rapport de compatibilité des différents documents de planification consiste à ne pas faire obstacle à la mise en œuvre du document hiérarchiquement supérieur. C’est le cas des PLU qui sont censés, depuis la Loi SRU, être compatibles avec le Plan de Déplacements Urbains (PDU) et le Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT). Si le caractère programmatique des PDU est solide, leur force prescriptive reste relativement faible au plan réglementaire. Pour s’assurer que les préoccupations environnementales aient leur juste place et ne se traduisent pas uniquement par des propositions incantatoires, le GART propose également que les SCOT et PDU prennent en compte la question des implantations d’activités commerciales dans le cadre du diagnostic de mobilité et des propositions d’action de sorte que les documents d’urbanisme puissent être rendus compatibles avec les principes fixés par le PDU et que le PDU soit opposable aux décisions d’implantation. Parallèlement, dans un contexte de réforme de la planification et compte tenu du succès des démarches de prospective territoriale locale (projets de territoires, projets d’agglomérations, projets de pays) les PDU devront évoluer sous peine d’être délaissés au profit d’autres outils juridiquement plus maniables, politiquement plus porteurs et moins risqués. C’est pourquoi le GART propose de doter les communautés d’agglomération et les communautés urbaines d’un document transversal de planification territoriale. Si celui-ci resterait compatible avec le SCOT de niveau supérieur (Aire Urbaine, Pays), il engloberait sous la même maîtrise d’ouvrage les autres documents sectoriels de planification : Plan Climat Energie Territorial, PLH, PDU, Schéma de Développement Commercial et PLU, lorsque celui-ci est de niveau communautaire (dans les communautés Urbaines et les communautés d’agglomération qui en détiennent la compétence). Il s’agirait donc d’un document plus programmatique dont la mise en œuvre opérationnelle serait alors facilitée.

- Permettre une traduction effective et plus fidèle des orientations du PDU dans la politique locale d’urbanisme
A l’instar du SCOT, le PDU est un document cadre dont il convient de transposer les dispositions dans la règle locale : qu’il s’agisse d’une approche globale de la politique de stationnement, de la circulation des flux de marchandises au sein des périmètres intercommunaux par l’harmonisation des règlementations locales, ou encore de la localisation des infrastructures logistiques. Toutes ces politiques ne peuvent trouver une application dans les faits qu’au bon vouloir des communes et du Maire qui conserve les pouvoirs de police et d’application du droit des sols (ADS). Compte tenu des difficultés que rencontrent les AOTU pour mettre en œuvre de manière opérationnelle les orientations des Plans de Déplacements Urbains, il convient de dépasser le rapport de « compatibilité » au bénéfice d’une notion de « transposition » des documents intercommunaux de planification. Le GART estime en effet que cette évolution permettra une traduction effective des orientations des SCOT et des PDU dans les PLU des communes. Cela implique aussi de préciser les mesures du PDU de manière à ce que celles-ci puissent trouver une transcription fidèle dans la gestion du droit des sols (PLU, ADS). Pour le GART, il est donc souhaitable que le PLU précise clairement en quoi il est compatible avec le PDU. Cette analyse ferait l’objet d’un point obligatoire du rapport de présentation à l’image des obligations faites par le R.123-2-1 1° du code de l’urbanisme sur les questions d’évaluation environnementale.

Au-delà des documents de planification et de la clarification des compétences entre collectivités, il y a également l’urgente nécessité de doter les agglomérations d’une fiscalité foncière : non seulement pour financer des infrastructures nouvelles de transports urbains mais aussi pour donner davantage de cohérence aux politiques publiques d’aménagement.
Pour aller plus loin :
LIVRE VERT DE LA COMMISSION EUROPEENNE, Vers une nouvelle culture de la mobilité urbaine, rapport final, Bruxelles, le 25.9.2007
OFFNER Jean-Marc, Les plans de déplacements urbains, La Documentation française, 2006
GART, Les plans de déplacements urbains. Bilan et perspectives, Collection mobilité durable, 2005
ADEME, CERTU, GART, Bilan des PDU de 1996 à 2001, Co-édition CERTU/ADEME, novembre 2002