mercredi 13 mai 2009

"Mettre de l'urbanisme dans l'urbanisme commercial"



... dixit Philippe Dugot, in Etudes Foncières, n° 130, novembre-décembre 2007 ("Sous prétexte d’urbanisme commercial, des lois successives - Royer, Sapin, Raffarin…- ont mis sous contrôle les implantations de grandes surfaces. En réalité, plutôt que d’urbanisme, il était question de limitation de la concurrence.")


"Pas de cité réussie sans commerce - Pas de vitalité sans intérêt général". Voilà le slogan de Jean-Paul Charié, Député du Loiret, mandaté par le Premier ministre à l’automne 2008 pour mener à bien la réforme (annoncée depuis 2006) de l’urbanisme commercial, dont la législation française, faut-il le rappeler, avait été attaquée par la commission européenne.


Retour sur une réforme annoncée.
Afin de répondre à cette mise en demeure de Bruxelles, la loi de modernisation de l’économie (LME), dont le rapporteur n’était autre que M. Charié, a été votée au cours de l’été 2008. Elle prévoyait notamment le relèvement du seuil d’autorisation des implantations commerciales de 300 à 1000 m². Celui-ci s’est aussitôt traduit par la floraison de projets d’immobilier commercial de 999 m². Les élus locaux, soucieux de préserver les équilibres urbains et une certaine idée de l’aménagement du territoire, se sont alors sentis désarmés. Mais sous l’impulsion de quelques parlementaires "activistes" sur la question (comme Michel Piron, Député du Maine-et-Loire), la LME a subi "un coup de canif" avec la possibilité de réguler ces implantations commerciales à l’aide des SCOT et des PLU... L’objectif ? La réinsertion de l’urbanisme commercial dans l’urbanisme général, c’est-à-dire dans le cadre des démarches de planification territoriale. Cette préconisation va d’ailleurs dans le sens de la Société Française des Urbanistes (SFU) et de l’Assemblée des Communautés de France (AdCF) qui avaient participé en 2006 aux travaux de la commission de réforme de l’urbanisme commercial, dite "Dutreil", quand celui-ci occupait les fonctions de Ministre de l’artisanat, du commerce, des PME et des professions libérales.

Le rapport Charié entend redonner la main aux élus.
« Nous voulons que les élus reprennent la main sur la cohérence intercommunale de l’urbanisme, avec de nouvelles chartes architecturales, la gestion collective des flux de personnes, de transport de marchandises, de déchets. C’est le but du rapport que je viens de remettre au Premier ministre et qui a le soutien du Président de la République et du Gouvernement », a déclaré Jean-Paul Charié (L.S.A N° 2083, 26 mars 2009), député du Loiret. Remis le 20 mars dernier son rapport sur la réforme de l’urbanisme commercial contient 18 programmes d’actions locales et donnera lieu à une proposition de loi qui devrait être prête d’ici le mois de juillet.
La mesure phare du rapport Charié vise à abroger la loi Royer sur l’implantation des grandes surfaces, « qui n’a pas permis, selon lui, d’entraver le développement anarchique des grandes surfaces et de maintenir des commerces de proximité ». Ambitionnant de « réhabiliter le commerce en France », le parlementaire en mission préconise de « changer d’état d’esprit, de méthode et de moyens ». Pour ce faire, il compte s’appuyer sur les collectivités locales pour la mise en oeuvre, dans un délai de 1 à 5 ans, de ses 18 programmes d’actions, tels que le réaménagement de 200 entrées de villes, la rénovation ou le réaménagement de centres commerciaux au « coeur » des communes de moins de 40.000 habitants. Il propose aussi la création de 200 « centres de distribution urbaines » dans 200 agglomérations : équipement logistique localisé à proximité de la zone qu’il dessert auquel de nombreux fournisseurs et transporteurs confieront leur fret et à partir duquel des livraisons mutualisées sont effectués (aux commerçants, artisans, prestataires…). « Par souci de cohérence et de coordination avec le milieu rural », il envisage également l’aménagement et la restructuration de 500 places commerciales de centre bourg, dans les villes de moins de 5000 habitants, en recommandant notamment que les documents d’urbanisme prévoient « en leur faveur des règles d’interdépendance, de partenariat, de solidarité. » En matière de planification de l’urbanisme commercial, le rapport Charié prévoit des volets commerces tant pour les SCOT que pour les PLU, les SCOT fixant des orientations et les PLU les règles. A chaque PLU de formaliser, dans le cadre de sa politique locale, ses choix et règles de lieux d’implantation et de construction. Les permis de construire des activités commerciales devront ainsi être conformes aux volets commerces des PLU.
Le rapport Charié a pris soin d’intégrer un échéancier pour faire entériner cette réforme par les pouvoirs publics : d’ici juillet 2009, les options législatives devraient avoir été validées par le Conseil d’Etat pour que les commissions des Affaires économiques de l’Assemblée nationale et du Sénat puissent se saisir à cette échéance de la proposition de loi.
Reste maintenant à faire rentrer en cohérence ces mesures avec les orientations du Grenelle 2, dont le volet urbanisme du projet de loi est assez timide sur la question...




C'est dans ce contexte que l'association Urba+, dont je suis le Délégué aux relations institutionnelles, a organisé le 12 mai 2009 un débat sur le thème "Quel commerce pour la ville de demain".


3 professionnels étaient invités à débattre sur le projet de réforme de l’urbanisme commercial proposé par le député Charié, et au delà des nouvelles tendances dans ce domaine fondamental du développement territorial :


J'ai ainsi eu le plaisir d'animer les échanges en présence de :


- Pascal MADRY, Consultant en urbanisme commercial, directeur des études à Procos (Fédération nationale pour l’urbanisme et le commerce spécialisé)


- Hervé LEVIFVE, Chargé du transport des marchandises, Direction de la voirie et des déplacements de la Ville de Paris


- Vincent XOLIN, Promoteur, Directeur du développement, CODIC


Parmi les questions mises en débat :
Près d’un an après la LME, assiste t'on à un repositionnement stratégique des acteurs de l’immobilier commercial? Quel commerce souhaite-t'on pour la ville de demain? Quels impacts des propositions Charié sur l’organisation de l’équipement commercial et de la ville, notamment en termes de déplacements, de fret et de logistique urbaine? Comment déconstruire le modèle "No parking, No business ?" L’opposition centre/périphérie a t'elle encore un sens? Comment mieux tirer parti de l’initiative et des financements privés dans le cadre de projets urbains ? Comment les zones d’activités commerciales peuvent-elles s’inscrire dans une logique de développement durable? Ces pôles d’activités seront-ils les prochains chantiers de la rénovation urbaine? La profession d’urbaniste est directement interpellée par tous ces enjeux.

Quelques élements de réponses sont exposés dans le rapport du GART que j'ai rédigé avec Claire Dagnogo.




Un compte-rendu de ce débat sera prochainement disponible sur le site d'Urba+ : www.urbaplus.org