mardi 2 mars 2010

Tempête Xynthia : ou quand l'Etat redécouvre les vertus du code de l'urbanisme

Le président de la République a promis qu’une «réflexion va être engagée sur le plan de l'urbanisme pour qu'une catastrophe de cette nature ne se reproduise plus». Il a demandé «un plan digues» à Jean-Louis Borloo, ministre d'État chargé du développement durable, après la tempête Xynthia qui a balayé la Vendée et la Charente-Maritime, lundi lors d'une visite à L'Aiguillon-sur-Mer. «Je reviendrai avant l'été pour tirer les conclusions structurelles de ce qu'on a fait», a-t-il également affirmé.

De son côté, la secrétaire d'État chargée de l'Écologie, Chantal Jouanno, s'est également prononcée «pour durcir les règles» car «il y a des zones où on ne peut absolument pas construire». «Il ne faut pas construire dans des zones qui sont derrière des digues», a ajouté Mme Jouanno, tout en reconnaissant que depuis 1999, 100.000 logements ont été construits en zones inondables.«Je suis pour durcir les règles. (...) On a tous les outils pour le faire », a-t-elle affirmé sur i>télé, tout en précisant qu'une loi ne serait pas nécessaire. «Nous, État, notre responsabilité, c'est de dire clairement les choses, de définir les zones rouges. Il y a des zones dans lesquelles on peut construire sous certaines conditions (...) et il y a des zones où on ne peut absolument pas construire».

Des propos qui tranchent sensiblement avec les discours gouvernementaux sur les "maires bâtisseurs", discours à l'emporte-pièce, exclusivement orientés sur une logique quantitative en matière de construction de logement. Des propos qui tranchent surtout avec l'idée d'une déréglementation du droit de l'urbanisme. En effet, il y a moins d'un an, le 29 avril 2009, lors de l'inauguration de l'exposition sur le Grand Paris à a Cité de l'architecture, Nicolas Sarkozy avait plaidé pour une déréglementation du droit de l'urbanisme qu'il jugeait trop lourd et contraignant. Il avait semblé vouloir généraliser à l'échelle nationale cette idée : "Il faut libérer l'offre, déréglementer, augmenter les COS (coefficient d'occupation des sols), rétablir la continuité du bâti dans les zones denses, permettre aux propriétaires d'agrandir leur maison individuelle, rendre constructible les zones inondables, utiliser les interstices, changer les procédures, changer la façon d'appliquer le droit...", avait-il déclaré. Le chef de l'État avait alors lancé un vaste mouvement de déréglementation de l'urbanisme en France.

Mais en matière d'urbanisme, la question n'est pas seulement de savoir combien de logements il faut construire; il faut surtout savoir les construire, c'est-à-dire arbitrer sur les localisations.

La décentralisation jacobine, qui a uniformément attribué sur le territoire national les prérogatives d'urbanisme aux communes, est sans aucun doute mise en échec par cet épisode. C'est ce que les journalistes racontent... En réalité, ce n'est pas si simple. Certes, c'est aux communes que revient le droit de prendre en compte les risques dans l'élaboration de leurs plans d'urbanisme et d'interdire les constructions dans les zones les plus exposées. Mais c'est surtout aux Préfets et à leurs services, les DDE, d'arrêter les Plans de Prévention des Risques Inondations, documents normatifs qui s'opposent aux documents locaux d'urbanisme. Pour les secteurs où le risque est plus faible, les plus nombreuses (où les 100.000 logements sont compris), les constructions peuvent être autorisées, mais avec des obligations pour assurer la sécurité des occupants en période d'inondations.
Dans ce cas, les communes résistent difficilement à la forte pression des promoteurs et de leurs futurs électeurs pour construire en bord de mer ou de rivières. « On subit des pressions, c'est clair. C'est un combat perpétuel. On est constamment accusés de vouloir empêcher les constructions », reconnaît Mme Jouanno.

Enfin, si les maires subissent autant de pressions, pourquoi ne pas enfin passer à l'urbanisme intercommunal? Le transfert de la compétence d'élaboration des PLU, actuellement en débat (Grenelle 2, réforme territoriale), ne serait-il pas le meilleur moyen "d'évacuer la pression" reposant sur les épaules des maires tout en leur redonnant la possibilité, dans le cadre intercommunal, de se réapproprier la politique d'urbanisme à une échelle plus cohérente, plus stratégique? Sans aucun doute ! Cela nécessitera une ingénierie de l'aide à la décision adaptée en urbanisme et le recours à de véritables urbanistes au sein des collectivités locales. Car la somme d'opérations immobilières n'a jamais fait une politique publique d'urbanisme.