mardi 28 décembre 2010

Urbanisme commercial : les intercommunalités soulignent l’urgence d’un nouveau cadre législatif

Communiqué de presse de l'AdCF, 22 décembre 2010


Consciente de l’impératif de moderniser les outils offerts aux collectivités pour mieux insérer les implantations commerciales au sein des territoires, l’AdCF s’est félicitée du redémarrage au Sénat de l’examen de la proposition de loi sur l’urbanisme commercial (proposition de loi dite « Ollier-Piron »). Le 14 décembre dernier la Commission des affaires économiques du Sénat a en effet adopté à son tour, avec un certain nombre d’amendements proposés par son rapporteur Dominique Braye, la proposition de loi visant à intégrer l’urbanisme commercial au sein de l’urbanisme de droit commun.

L’AdCF souscrit aux orientations et principes définis par cette proposition de loi. Elle souligne surtout la nécessité et l’urgence de doter les collectivités de capacités effectives de régulation des implantations commerciales à travers les outils intercommunaux de planification (SCOT) et les documents d’urbanisme (PLU).
L’AdCF espère que l’examen du texte en séance, par les sénateurs, permettra de conforter l’ambition du texte et de trouver un accord de vues avec l’Assemblée nationale, avant l’été 2011. Il est indispensable que les élus locaux disposent du nouveau cadre législatif au moment où le Grenelle leur impose de réviser leurs documents de planification.

Le président de l’AdCF, Daniel Delaveau, président de Rennes métropole et maire de Rennes, a rappelé qu’«il est de la responsabilité politique des élus locaux (municipaux et intercommunaux) de veiller aux grands équilibres commerciaux des bassins de vie, d’assurer leurs conditions de desserte et d’accès logistique, d’insérer le commerce dans la ville et les territoires avec un souci de gestion économe et rationnelle de l’espace. Le commerce est aujourd’hui un facteur déterminant sur le dynamisme des économies locales mais également les marchés fonciers et immobiliers. L’un des enjeux majeurs sera également de requalifier les espaces commerciaux vieillissants et de repenser de véritables quartiers commerciaux modernes, soucieux de mixité fonctionnelle et d’urbanisme durable ».
L’AdCF rappelle par conséquent que les grands enjeux actuels ont été énoncés par la commission Dutreil, dès 2006, puis par le rapport du député Jean-Paul Charié, pour préparer la mise en conformité de notre cadre législatif avec le droit européen.
Elle rappelle que le gouvernement s’était engagé, en 2008 lors de l’examen de la loi de modernisation de l’économie (LME), à proposer un texte législatif dans les 6 mois. Un texte toujours attendu deux ans plus tard.
Ces retards sont aujourd’hui très préjudiciables aux territoires. Malgré la crise, de nombreuses agglomérations constatent la multiplication de projets d’implantation commerciale sans disposer d’outils adaptés pour les réguler et les insérer dans un aménagement cohérent. « Il faut en finir avec la France moche des zones commerciales anarchiques, a déclaré Daniel Delaveau, mais il faut pour cela donner aux élus des moyens d’agir ».
Compte tenu des multiples enjeux juridiques, économiques et territoriaux auxquels répond la proposition de loi dite «Ollier-Piron », l’AdCF appelle à l’accélération du calendrier d’examen du texte au Parlement et alerte sur l’enlisement qu’il risquerait de subir sous la pression de groupes d’intérêt.


mercredi 8 décembre 2010

Office ou officine ?


Créé en 1998, avec le soutien de l’Association des Maires de France (AMF) et de l’État, l'OPQU a pour mission principale d’attribuer une qualification professionnelle aux urbanistes et de la faire connaître. Pour ce faire, il assure une mission de service public, dans le cadre d’un protocole signé avec le Ministère en charge de l’urbanisme.
En 12 années d'existence, le bilan est effectivement maigre avec moins de 600 qualifiés, alors que des milliers de personnes exercent la profession d'urbaniste en France et que des centaines de diplômés issus des Instituts d'urbanisme entrent chaque année dans "la carrière" (le CNJU les évalue à environ 700 par an).

Pour "booster" le nombre de "qualifiés", les responsables de l'OPQU se sont engagés à faciliter l'inscription de ces diplômés en urbanisme issus de l'enseignement supérieur (et largement de l'université) sur une "liste d'aptitude", sorte de "antichambre" vers la procédure de qualification qui, au demeurant, s'avère très fastidieuse et a pour travers d'honorer des urbanistes seniors, plutôt confirmés par le force de l'âge...
Cette approche très élitiste et sélective aurait donc pu être complétée par une inscription en masse et systématique des centaines d'urbanistes qui sortent chaque année diplômés des Instituts d'Urbanisme. Or, à ce jour, seuls 26 d'entre-eux ont été inscrits sur les tablettes !

Au lieu de les "draguer" et de les inciter à s'inscrire sur cette liste d'aptitude, l'OPQU a tout récemment fait savoir qu'il avait élaboré un référentiel d'évaluation des formations en urbanisme, dans le but de déterminer si leurs diplômés étaient habilités ou non à recevoir le "précieux sésame" de la qualification. Mise en ligne par l'OPQU sur son site Internet, cette grille d'évaluation distingue des formations de Master, principalement délivrées dans des Instituts d'urbanisme, et des formations dites "intégrées" sanctionnant 5 années d'études en urbanisme. Ces formations "intégrées" semblent clairement avoir les faveurs des responsables de l'OPQU au détriment des Masters d'urbanisme comme l'avance son président dans une interview parue le 19 novembre dernier dans Le Moniteur : « Le domaine de la formation en urbanisme n’est pas suffisamment structuré. Les cursus complets dans ce domaine, à l’instar des formations en architecture, sont encore très rares. »

Comment interpréter ces propos? On pourrait comprendre, que dans l'esprit du président de l'OPQU, architecte de formation, les écoles d'architecture dispensent ce type de formations "intégrées" en urbanisme. Mais pour un expert du sujet, ce distinguo relève de l'imposture dans la mesure où ces formations intégrées n'existent tout simplement pas. Dans un billet publié sur son blog, cet observateur avisé des formations en urbanisme dénonce une véritable fiction : "Les partisans de la formation intégrée en urbanisme voudraient nous faire croire que seules les écoles d'architecture et les écoles d'ingénieurs seraient en mesure de délivrer ce qu'ils considèrent comme le modèle de formation en urbanisme (...) Or les écoles d'architecture et les écoles d'ingénieurs, dans de très légères options dispensées en fin de cursus, abordent superficiellement la ville et encore plus rarement, l'urbanisme. Penser que ces écoles forment des urbanistes relève du fantasme. Leurs diplômés sont au mieux sensibilisés à la ville et mais ne sont pas des urbanistes", poursuit notre blogger.

Il est vrai que ce discrédit sur les formations universitaires en urbanisme est troublant pour ne pas dire dérangeant dans le contexte actuel de discrimination dont font l'objet les urbanistes diplômés de l'université dans l'accès aux carrières de la fonction publique territoriale. Représentant l'immense majorité des formations en urbanisme, le Master, faut-il le rappeler, est le seul diplôme reconnu au niveau européen et surtout le diplôme privilégié pour l'exercice professionnel en urbanisme. L'Institut d'Urbanisme de Paris, pour ne prendre qu'un exemple, a formé plus de 3000 urbanistes depuis 1972 (diplômés du DIUP, de DESS, de DEA, de Master et du Doctorat). Il faut donc être très mal informé ou extrêmement culotté pour avancer que le milieu de "la formation en urbanisme n’est pas suffisamment structuré" !

En définitive, l'OPQU ignore superbement "dix-huit instituts d’urbanisme et formations supérieures en urbanisme et aménagement du territoire qui forment chaque année 800 à 1000 jeunes urbanistes avec un taux d’emploi d’environ 75% dans le domaine". Il ignore enfin "10 000 à 15 000 professionnels formés depuis vingt ans dans ces établissements qui représentent aujourd’hui la grande majorité de la profession".
La conclusion : "Arrêtons de débattre sur des chimères et structurons notre profession autour de ses membres et formations qui œuvrent tous les jours partout en France."